La ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni a déçu bon nombre de ses partisans par des déclarations surprenantes sur les droits nationaux des Arabes israéliens. Une bévue qui pourrait lui coûter cher. La semaine dernière, la presse israélienne et la presse égyptienne se sont faites toutes deux l'écho de rumeurs concernant un éventuel voyage de Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, au Maroc. Ce déplacement aurait eu pour but de discuter le plan de paix mis au point par les Sommets de Beyrouth et de Riyad de la Ligue arabe en 2003 et 2007. Imaginé par le roi Abdallah d'Arabie saoudite, ce plan propose à Israël son intégration dans le monde arabe moyennant l'évacuation totale des territoires occupés depuis 1967 et la création d'un Etat palestinien ayant pour capitale Al Qods. Ayant souvent joué un rôle majeur encore que discret dans les tentatives de mettre sur pied une solution juste et durable du conflit israélo-arabe, le Maroc constitue pour les parties en présence un interlocuteur précieux. La presse égyptienne le rappelait longuement et c'est peut-être pour solliciter une médiation marocaine que Tzipi Livni a envisagé de se rendre à Rabat et de laisser transpirer dans la presse des rumeurs à ce sujet sans attendre la réponse des autorités marocaines. Ces bruits ne sont sans doute qu'un feu de paille, d'autant plus que la ministre israélienne des Affaires étrangères a commis une gaffe que les plus indulgents de ses partisans déplorent mais dont beaucoup s'accordent à penser qu'il s'agit plutôt d'un acte délibéré. Lors d'une rencontre avec des lycéens à Tel Aviv, elle a en effet déclaré : «Ma solution pour préserver le caractère juif et démocratique d'Israël, c'est la création de deux entités nationales distinctes». Et d'ajouter : «Une fois l'Etat palestinien créé, nous pourrons dire aux citoyens palestiniens d'Israël, ceux que nous appelons les Arabes d'Israël : la solution à vos aspirations nationales se trouve ailleurs. Lorsque l'état palestinien verra le jour, il faudra demander aux Arabes israéliens d'y immigrer afin d'assurer le caractère juif de l'Etat d'Israël». Pour de nombreux observateurs, Tzipi Livni, qui vient d'une famille connue pour son engagement passé dans les rangs de l'extrême droite juive à l'époque du mandat britannique, a jeté le masque. Elle a clairement fait savoir que, si les Arabes israéliens voulaient réaliser leurs ambitions nationales spécifiques en tant que Palestiniens, alors ils devraient s'installer dans le futur Etat palestinien. Cela revient à soutenir l'idée d'un transfert. Cette idée a été défendue précisément par Moshe Feiglin, l'un des faucons du Likoud, ou par Avigdor Lieberman, le chef du parti russe extrémiste Israël Beitenou. Comme le soulignait le quotidien libéral Haaretz : «Tzipi Livni a viré à droite» et ce n'est pas un hasard si elle a fait ces déclarations au lendemain de l'éphémère victoire de Moshe Feiglin lors des primaires du Likoud. Ses propos ont soulevé un véritable tollé chez les députés arabes israéliens cependant que le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas estimait que cette déclaration «constituait une entrave au processus de paix et que Mme Livni tente d'exploiter la campagne électorale en Israël pour créer un climat de tensions». Ce faux pas ruine en tous les cas les projets de voyage de Tzipi Livni car l'on voit mal ce que le Maroc, dont le Roi est président du Comité Al Qods, aurait à gagner de discuter avec l'auteur de telles supputations.