Il était convaincu de son devoir national, dévoué pour son pays. Ce qui lui valut la sympathie des dirigeants du parti et la bénédiction de son Roi. Il tâcha de toutes ses forces et par ses propres moyens de convaincre ses collègues pachas et caïds de la région de lui emboîter le pas. Objectif: déstabiliser l'entité construite par le colonisateur. Il faut mentionner aussi que M. Moha Lyoussi, fils de Lahcen Lyoussi, et ses neveux, avaient un grand mérite en ce sens qu'ils nous facilitèrent la tâche sur tous les plans. Ils assistèrent avec un intérêt remarquable à toutes les discussions qui tournaient autour du nationalisme et des nationalistes. Ils contribuèrent à la mise sur pied de la première cellule partisane des sympathisants ayant une bonne maîtrise de la langue arabe et du berbère de telle sorte que chacun d'eux transmet à son clan la teneur en amazigh du bulletin d'information interne du parti. Nous retournâmes à Rabat après nous être assurés que la mission fut couronnée de succès et mise sur les bons rails. De la première cellule des sympathisants sortiront plusieurs volontaires qui mettront sur pied des cellules partisanes à l'instar des villes. Cette dynamique s'étendit rapidement aux villages et aux douars ainsi qu'aux différents regroupements de populations dans l'ensemble de l'Atlas. Preuve de cet intense activisme militant, la demande grandissante pour le bulletin d'information interne émanant chaque semaine de la section de Sefrou qui se chargeait d'alimenter les sympathisants. Haj Mohamed Hakam, cheville ouvrière de cette commission, resta en contact avec M. Lahcen Lyoussi. Entre les deux hommes naquit une amitié solide. Quand M. Lahcen Lyoussi se rendait à Rabat, il descendait chez Haj Mohamed devenu l'intermédiaire entre Lahcen Lyoussi et les dirigeants du parti, notamment Mehdi Ben Barka. Lahcen Lyoussi suivait lui même de près les développements intervenus après la visite à Sefrou allant jusqu'à transporter souvent dans sa voiture le quota de Sefrou et région en colis comprenant le bulletin d'information hebdomadaire. Les deux hommes gardèrent le contact au point que Haj Mohamed rendait régulièrement visite dans son exil à Lahcen Lyoussi qui lui exprimait toutes ses demandes. Le déplacement à Sefrou qui représente un tournant considérable dans la progression de l'activité du parti à l'échelon national n'aurait pas abouti sans l'engagement spontané et l'enthousiasme sans pareil des militants. Cette réussite, on la doit aussi à la personnalité influente de Lahcen Lyoussi que retiendra l'histoire avec fierté et reconnaissance comme un homme prêt à tout sacrifier, indifférent au sort peu envieux qui aurait pu lui être infligé comme caïd de Sefrou par le colonisateur. Il était convaincu de son devoir national, dévoué pour son pays. Ce qui lui valut la sympathie des dirigeants du parti et la bénédiction de son Roi. Il tâcha de toutes ses forces et par ses propres moyens de convaincre ses collègues pachas et caïds de la région de lui emboîter le pas. Objectif: déstabiliser l'entité construite par le colonisateur qui s'est servi des collaborateurs pour qu'il arrive en leurs noms à ses fins. Les chapitres suivants du livre relatent les initiatives de cet homme au plus fort de la crise entre le Roi et le parti de l'Istiqlal d'un côté et la résidence générale et les colons de l'autre. Il joua à Rabat des rôles à ce niveau là. J'ai vécu cela personnellement, fasciné par ce grand homme, son courage exceptionnel et sa foi dans le triomphe tôt ou tard de notre cause. Il convient de rappeler que M. Lahcen Lyoussi avait montré une disponibilité pleine et entière pour contribuer à implanter les cellules du parti dans la région de l'Atlas et exprima son désir de rencontrer les dirigeants du parti pour une action de coordination. Quand il débarqua secrètement à Rabat, il se dirigea vers la maison de Haj Abbas Hakam dans la Médina. Il séjournait chez son fils aîné Haj Mohamed qui en informa sur le champ le secrétaire général du parti Haj Ahmed Balafrej par le truchement de son frère cadet Abdellatif qui n'avait pas plus de 12 ans. L'enfant avait l'avantage de ne pas éveiller les soupçons des mouchards des Français à l'affût du moindre renseignement sur les activités de Haj Ahmed. De cette façon, ce dernier fixa l'heure de la rencontre avec Lahcen Lyoussi. Ces rendez vous secrets se déroulèrent plusieurs fois dans le domicile de M. Hakam et les discussions se poursuivirent jusqu'à une heure tardive de la nuit. Souvent, ces rencontres réunissaient aux côtés de Ahmed Balafrej, M.M Mohamed Yazidi (Bouchaïb), Fkih Mohamed Ghazi et Mehdi Ben Barka. De par les idées qu'elles favorisèrent et les décisions qu'elles ont permises, ces rencontres eurent une importance capitale dans l'accroissement de l'influence du parti sur la scène nationale. Tout cela en peu de temps grâce à M. Lahcen Lyoussi et aux hommes qu'il a lui même désignés pour qu'ils vaquent aux occupations et activités ordinaires du parti à l'instar de ce qui se passait dans le reste des villes et des campagnes du pays. Sage et posé, téméraire et intelligent, il savait surmonter les problèmes les plus complexes. Il était doté d'une personnalité telle qu'il pût nouer des relations solides avec nombre de ses collègues influents dans l'Atlas ainsi qu'avec son élite locale. Dans ce contexte, il contacta les petits fils de Moha Ouhammou Zayani et d'autres. Il réussit à les convaincre de lui ouvrir la voie de l'action politique dans les zones de leur influence. Les recrues encouragèrent à leur tour tous ceux dont ils sentirent une propension à la militance. C'est ainsi qu'apparurent des groupes de résistance et des cellules politiques dans ces immenses contrées que sont Beni Mellal, Tadla, Oulmès, Azrou, Itzer et d'autres villes de l'Atlas qui étaient sous contrôle de l'occupation française. Malgré toutes les obstructions, les menaces et l'exil et les pertes qu'il eut à subir, l'homme resta fidèle à ses engagements, s'imposant sur la scène en croyant dans le destin de son pays. Rien ni personne n'ébranlera jamais ses convictions envers son Roi et le parti qu'il avait intégré en faisant confiance dans ses hommes. On a beau s'étendre sur ses qualités, on ne peut jamais rendre justice à cet homme qui a rendu de bons et loyaux services à son pays dans les pires moments de son histoire, indifférent aux actes de représailles qui pouvaient être prises à son encontre par le colonisateur. Puisse Dieu avoir Lahcen Lyoussi en sa Sainte miséricorde et récompenser à leur juste valeur ses bonnes actions et ses sacrifices immenses au service du Tout-Puissant et de sa patrie. • Extrait du livre de Larbi Benabdallah «Mémoires d'un militant»