L'abolition de la peine de mort par le Maroc a fait l'objet, récemment à Rabat, d'une rencontre-débat, à laquelle ont participé des intervenants nationaux et internationaux. S'il existe un moratoire de fait depuis plusieurs années, le nombre de condamnations à mort a augmenté. «Le Maroc a fait un grand pas concernant la peine de mort. Depuis 1993, le pays pratique un moratoire de fait. Le pays se dirige vers une forme d'abolition de la peine capitale», déclare à ALM, Ahmed Herzeni, président du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) avant d'ajouter que : «pour le moment, les conditions ne sont pas favorables pour abolir la peine de mort avec la montée du terrorisme». Le Royaume est abolitionniste de fait et non dans la loi. Un séminaire de réflexion sur la peine de mort a été organisé les 11 et 12 octobre à Rabat par le CCDH et l'Association française «Ensemble contre la peine de mort» ( ECPM). «L'objectif de ce séminaire n'est pas de faire de la propagande mais d'ouvrir un débat sur la question de la peine de mort à partir des approches juridiques, sociologiques et religieuses», affirme M. Herzeni. Les débats ont été animés par des experts nationaux et internationaux, afin d'élaborer un argumentaire avec les acteurs concernés de la société marocaine (société civile, ouléma, partis politiques, parlementaires, universitaires). «Le référentiel religieux ne pourrait être un prétexte pour maintenir la peine de mort», indique Amina Bouayach, présidente de l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH). Et de poursuivre : «il faut revoir l'ensemble du système pénal marocain». Lors de cette rencontre, Abdelouahad Radi, ministre de la justice a expliqué que la suspension de l'application des jugements de la peine capitale provient de la nécessité d'observer «un moment de réflexion» sur la question. M. Radi n'a pas manqué de préciser que l'abstention du Maroc à voter la résolution contre la peine de mort lors de la 62-ème session de l'Assemblée générale des Nations unies s'inscrit dans le cadre du processus d'approfondissement de la réflexion engagé à ce sujet. Ce qui est certain c'est que les avis continuent de diverger à ce sujet. Si les partisans de la peine de mort y voient un moyen dissuasif de la criminalité, notamment l'homicide volontaire, d'autres réclament son abolition car elle touche un droit important des droits de l'Homme qui est celui du droit à la vie. Le Maroc fait partie des pays «plus aptes» à abolir cette peine. «Le Maroc, considéré par la communauté internationale comme abolitionniste de fait, est un pays digne de l'abolition de la peine de mort», a déclaré Richard Sédillot, un participant membre de l'Association ECPM. «Le Maroc donnerait un signal fort comme premier pays arabe à abolir la peine de mort. C'est un pays qui a toujours établi des ponts entre l'orient et l'occident», a estimé de son côté Claudius Fischbach, un représentant de l'ambassade d'Allemagne. Les participants à ce séminaire ont reconnu que la difficulté de cette problématique émane de l'interconnexion entre des aspects à caractère politique, pénal et sociétal, appelant le législateur à ne pas succomber à la subjectivité en vue de préserver l'intérêt général. S'il existe un moratoire de fait depuis plus d'une dizaine d'années, les condamnations à mort continuent d'être prononcées par les tribunaux, tant à l'encontre des personnes accusées de terrorisme qu'en matière de droit commun. Celles-ci ont augmentées en chiffres passant de 129 en 2006 à 133 en 2007. Pour la plupart des détenus qui se trouvent à la prison centrale de Kénitra, leur seul espoir reste le recours en grâce.