Pressentie pour former le nouveau gouvernement par le président de l'Etat Shimon Peres, Tzippi Livni, qui a remporté les primaires au sein de Kadima, n'était pas assurée de pouvoir le faire. Sa détermination et les calculs des différents partis politiques, soucieux d'éviter des élections législatives anticipées, pourraient l'aider à mener à bien sa mission. Désignée à la tête de Kadima par à peine 431 voix d'avance sur son principal rival, le ministre des Transports Shaül Mofaz, Tzippi Livni paraissait être en mauvaise posture pour constituer un nouveau gouvernement et rassembler sur son nom une majorité d'au moins 61 députés. Le Shass et le Parti travailliste ne semblaient pas décidés à lui faciliter sa mission. Tant Elie Yichaï, le dirigeant du Shass, que le ministre travailliste de la Défense Ehoud Barak ne dissimulaient pas que, faute de parvenir à un gouvernement d'union nationale, ils préféraient revenir devant les urnes. Les observateurs doutaient, donc, des chances de la ministre des Affaires étrangères de succéder à Ehoud Olmert. Mais celle qu'on surnomme déjà «la Dame de fer» a fait preuve d'une rare opiniâtreté et tenir la dragée haute tant à Elie Yichaï qu'à Ehoud Barak et leur faire comprendre qu'ils risquaient de perdre gros à l'organisation d'un scrutin anticipé. En quelques jours, la situation a changé du tout au tout. La véritable question aujourd'hui n'est plus de savoir s'il y aura un nouveau gouvernement, mais de qui serat-il composé. Il semble bien que le changement en profondeur de la vie politique israélienne, promis par Tzippi Livni, lors de sa campagne pour les primaires de Kadima, se limitera peut-être à un simple remaniement ministériel. Un seul membre du cabinet sortant, le garde des Sceaux Daniel Friedman, considéré comme trop proche d'Ehoud Olmert et auquel on reproche un projet de réforme en profondeur du système judiciaire israélien, ne devrait pas retrouver son portefeuille. Dirigeant du Shass et ministre de l'Industrie et du Commerce, Elie Yichaï pourrait obtenir le portefeuille de l'Intérieur, fief de son parti jusqu'en 2003. Pour le reste, il a fait taire ses scrupules qui le faisaient hésiter à participer à un gouvernement tenté d'évoquer, dans ses discussions avec les Palestiniens, la question du futur statut de Jérusalem. Avec l'accord du leader spirituel de sa formation, le rav Ovadia Yossef, le Shass est résigné à cette solution, exigeant en retour qu'une somme de 1 milliard de shekels (environ 20 millions d'euros) soit dégagée pour financer différents projets sociaux et compenser les pertes de pouvoir d'achat provoquées par la baisse des allocations familiales. C'est une concession nullement négligeable qui lui permet de calmer l'éventuel mécontentement de son électorat. Le dirigeant travailliste Ehoud Barak, après avoir fait preuve d'intransigeance, a laissé entendre qu'il se rallierait à Tzippi Livni à condition d'avoir la main haute sur les négociations de paix indirectes avec la Syrie. Celles avec les Palestiniens étant du ressort du vice-Premier ministre Kadima, Haïm Ramon. Pour Tzippi Livni, c'est moins une concession qu'un atout supplémentaire dans sa manche. . Haïm Ramon et Ehoud Barak aux commandes des deux plus importants dossiers diplomatiques, cela lui permet d'accorder, sans trop de risques, le portefeuille des Affaires étrangères à Shaül Mofaz, son rival malheureux lors des primaires au sein de Kadima. Shaül Mofaz est en effet revenu sur sa décision de se retirer provisoirement de la vie politique, sous la pression de ses partisans. Tzippi Livni se voit donc contrainte de lui confier un portefeuille clé, en le vidant toutefois de sa substance. Il reste encore toutefois beaucoup de détails à régler et il est vraisemblable que le nouveau cabinet israélien ne sera formé qu'à l'issue des fêtes juives d'automne vers la fin octobre. Le fait qu'il se limitera à un simple remaniement ministériel décevra sans doute les partisans d'une refonte en profondeur du système politique israélien. Mais c'est aussi l'assurance que, faute de changement révolutionnaire, le nouveau gouvernement continuera la politique du précédent, en particulier les négociations de paix avec les Palestiniens et les Syriens en vue de parvenir à un accord de paix. Et c'est là le plus important, surtout si le parti de gauche Meretz entre dans le gouvernement.