Figure clef du dispositif sarkozien, la Garde des Sceaux française, née d'un père marocain et d'une mère algérienne, a effectué une visite très médiatisée en Israël et dans les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne. Cette visite coïncidait avec l'annonce de profonds changements politiques en Israël. Rarement un déplacement à l'étranger d'un ministre français de la Justice aura suscité autant d'intérêt de la part des médias des pays hôtes de ce déplacement. Les quotidiens Haaretz ( Israël) et al Ayyam (Palestine) ont chacun publié en bonne place une interview de la Garde des Sceaux Rachida Dati, l'une des personnalités les plus en vue du gouvernement français, la chef de file des «Sarkozettes». La nomination en mai 2007, place Vendôme, d'une jeune magistrate issue des rangs de l'immigration maghrébine en France – son père est marocain, sa mère est algérienne – avait fait sensation. Beaucoup y avaient vu la volonté affichée de Nicolas Sarkozy de promouvoir une «France métissée et plurielle» et d'ouvrir les hautes sphères de l'Etat aux membres de la fameuse «deuxième génération». Ce faisant, il rompait avec la frilosité de la classe politique française, y compris d'un Parti socialiste peu enclin à favoriser la promotion des «minorités visibles». Dès son arrivée place Vendôme, Rachida Dati avait reçu une invitation à se rendre en visite officielle à la fois en Israël et dans les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne. Après plusieurs reports, la Garde des Sceaux a enfin effectué ce déplacement très attendu, afin d'assister à la signature d'un accord de coopération entre le ministère français de la Justice et son équivalent palestinien. Aux termes de cet accord signé à Ramallah le 19 septembre 2 008, la France participera à la formation des futurs magistrats palestiniens afin que leur Etat à venir «soit un Etat de droit». Stages et missions d'études sont prévus et d'ores déjà budgétés. Indépendamment de cet arrière plan technique, la visite de Rachida Dati en Israël et dans les territoires palestiniens revêtait une importance symbolique: une ministre de la République française, d'origine musulmane, se rendant à la fois à Tel-Aviv et à Ramallah en pleine période de Ramadan et à l'approche des fêtes juives. C'est une image était très forte qui atteste du rôle nouveau que la France entend jouer au Proche-Orient. La Garde des Sceaux s'est rendue aussi bien à l'Esplanade des Mosquées qu'à la basilique Sainte Anne et au Mur des Lamentations, tous lieux saints des trois grandes religions monothéistes. Rachida Dati a affirmé que «Juifs et Arabes avaient en commun l'expérience du racisme et de la discrimination». Soulignant cette fraternité dans l'épreuve, la ministre a rappelé que sa mère avait passé son enfance dans le quartier juif d'Oran et qu'elle lui avait longuement raconté la coexistence au quotidien des deux communautés. La leçon a été retenue. Récemment, l'hebdomadaire Jeune Afrique révélait que, durant ses années de lycée à Chalon sur Saône, Rachida Dati était une lectrice assidue de JA et une «collaboratrice» fréquente de sa rubrique: «Le journal vous appartient « (le courrier des lecteurs). Nombre de ses lettres portaient sur la situation au Proche-Orient et sur la nécessité de parvenir à un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien via «la solution des deux Etats pour deux peuples ». Un point de vue partagé par Jacques Attali et Simone Veil dont elle fut proche. Le hasard a voulu que la visite de Rachida Dati en Israël coïncide avec l'élection, à la tête de Kadima, de Tsippi Livni , appelée à succéder à Ehoud Olmert comme Premier ministre. Les deux femmes se connaissent et ont en commun le caractère atypique de leur parcours politique et leur volonté de lutter contre le machisme si prégnant dans leurs sociétés respectives. Cette coïncidence a donné à la visite de Rachida Dati une importance supplémentaire et, d'une certaine manière, involontaire. Car, sans renier ses origines ni les dissimuler, la Garde des Sceaux française n'a jamais fait mystère de son hostilité à tout communautarisme et à tout repli identitaire, privilégiant son appartenance à une République «une et indivisible». Elle n'a pas dérogé à cette règle tout en laissant la presse lui apporter quelques aménagements et corrections.