Le projet de la nouvelle Charte communale, présenté devant le Parlement jeudi par le ministre de l'Intérieur, promet de révolutionner la démocratie locale ainsi que le système de l'unité de la ville. «Le Maroc avance à grands pas dans le renforcement de la gouvernance et de la démocratie locale». Le président du Conseil de la ville de Salé, Driss Sentissi, ne fait pas dans l'optimisme béat. Pas plus que l'artisan de la nouvelle Charte communale, qui n'est autre que le ministère de l'Intérieur. «Le projet de la nouvelle Charte consacre la gouvernance et la démocratie locales ainsi que le système de l'unité de la ville », estime le ministre de tutelle, Chakib Benmoussa, à l'issue de l'adoption le 9 juillet en Conseil des ministres de la nouvelle mouture de cette nouvelle Charte. Mais que va changer, finalement, cette nouvelle Charte à la gestion des affaires locales ? «Apparemment, pas grand-chose», disent certains élus suspicieux. Or, le changement est notable. Et l'enjeu, de taille. C'est du moins ce qui ressort d'une lecture réfléchie du nouveau texte de la Charte. Parlons, d'abord, des nouvelles prérogatives qui seront attribuées au Conseil de la ville (mairie). Dans les coulisses des mairies, on se réjouit déjà à l'idée, sinon d'une levée, du moins d'un «allègement de la tutelle» du ministère des Finances. L'autonomie financière des Conseils de la ville est plus que jamais renforcée. Les Conseils de la ville ont désormais la possibilité de s'associer, - et en dehors de toute forme de tutelle -, avec le privé ou des institutionnels pour s'assurer une meilleure gestion du patrimoine des villes, sans oublier évidemment l'impact de cette initiative sur l'optimisation et l'amélioration du revenu de ces villes. Cette mesure vise à «améliorer l'efficacité et le professionnalisme de l'administration locale et (…) à améliorer la gestion et la qualité des services publics», fait observer le ministre Benmoussa. Et ce n'est pas tout … Autre preuve de l'autonomie financière annoncée, c'est que le président du Conseil de la ville peut désormais déléguer sa signature à plusieurs adjoints et selon les secteurs (environnement, culturel, technique, etc). Cette opération peut se faire par simple décision du président du Conseil de la ville, et sans passer par une autorité de tutelle. Si à cela, on ajoute le fait que le pouvoir de contrôle sur la gestion financière des Conseils de la ville est désormais du seul ressort des Cours des comptes régionales, l'autonomie ne fait que se renforcer davantage. «L'idée de création des Cours des comptes régionales est excellente», se félicite le maire de Salé, Driss Sentissi. Maintenant, en ce qui concerne l'élection des présidents des Conseils de la ville, il y a lieu de relever une simplification de formule largement appréciée par les responsables communaux. Désormais, c'est le parti qui obtient le plus grand nombre de voix lors des élections communales qui remportera automatiquement la présidence du Conseil de la ville. Finis les vieux fameux jeux d'alliances partisanes auxquels devait se livrer un candidat pour se faire élire à la tête dudit Conseil. «C'est un pas important», souligne un observateur de la gestion des affaires locales. Pour ce qui est du système des arrondissements, notamment leur rapport au Conseil de la ville, les attributions de chacun sont établies de manière qui ne laisse aucune place à l'interférence des rôles. Contrairement au Conseil de la ville, qui s'occupe de la politique générale de la ville, un arrondissement est appelé à jouer un rôle de proximité. Ce dernier doit s'occuper uniquement de ce qui est social, culturel, sportif, entre autres rubriques à vocation sociale au niveau local. Le Conseil de la ville, quant à lui, doit mettre sur pied un projet de la ville, et élaborer un plan de développement économique et social révisable au bout de tous les trois ans. Un travail de clarification dont l'objectif est de «consacrer l'unité de la ville et créer les conditions de concordance et de complémentarité entre les Conseils de la ville et les arrondissements», a expliqué le ministre Benmoussa. L'élaboration d'une nouvelle Charte s'inscrit dans le cadre de la préparation des élections communales de 2009. «Ces élections seront une occasion pour révéler des compétences locales à même d'accompagner le processus de développement local», ajoute le ministre Benmoussa. Seule ombre au tableau, c'est le niveau d'instruction des certains élus qui laisse beaucoup à désirer. Le maire de Salé, M. Sentissi, regrette que, au moment où l'on parle de l'ère des compétences, on puisse encore confier la gestion des affaires locales à des personnes ayant un niveau d'instruction très bas. Selon le texte de la Charte communale, il suffit à un candidat d'avoir un diplôme de fin d'études primaires pour postuler à un poste de responsabilité. Récapitulons : Renforcement du pouvoir des communes, autonomisation de leur gestion financière, amélioration de l'efficacité et du professionnalisme de l'administration locale, création de nouveaux mécanismes en vue de développer la gestion et la qualité des services publics, clarification des rôles de ces communes et ceux des arrondissements … Ce sont là autant d'atouts au service d'une bonne gouvernance des affaires locales. Avec la nouvelle Charte communale, le ministère de l'Intérieur aura certainement tracé des chantiers prometteurs pour les prochains heureux vainqueurs du scrutin municipal de 2009. Et surtout pour le commun des citoyens, dont la qualité de vie ne fera que s'améliorer. Les communes orientées vers le développement local L'une des grandes modifications qu'apporte le projet de loi concerne la coopération des communes. En effet, le titre VII de la charte communale se voit doté de nouveaux chapitres sur le groupement et la coopération des communes. Ainsi, le projet de loi 17.08 donne la possibilité, à travers la modification de l'article 78, aux communes de signer des conventions de partenariat entre elles ou avec des administrations et des institutions publiques, afin d'élaborer un projet ou une activité ayant un intérêt commun. Dans cette même perspective, le projet de loi en question appelle à créer un nouveau chapitre portant sur les groupements des communes urbaines. De nouveaux articles ont également été établis par rapport à la création, l'organisation et la gestion de ces groupements. L'article 83-8 énumère les ressources financières du groupement des communes, par exemple : les subventions de l'Etat, les revenus des services rendus et les dons. Aussi, l'article 83-9 stipule que la participation des communes dans le budget du groupement est obligatoire. Par ailleurs, l'article 140 vient annoncer de nouveaux dispositifs propres aux sociétés de développement local. Ainsi, les communes locales et leurs groupements peuvent créer des sociétés appelées «Sociétés de développement local» qui obéissent à plusieurs conditions. Les objectifs de ces sociétés se rapportent uniquement aux activités industrielles et commerciales. De nouvelles dispositions au service des arrondissements L'autre changement majeur que comporte le projet de loi 17-08 concerne les arrondissements. Ainsi, l'article 132 bis annonce la création, au sein du conseil communal, d'un nouveau département baptisé « La réunion des présidents des conseils des arrondissements ». Cette réunion est présidée par le président du conseil communal, qui établit l'agenda et convoque les présidents des conseils des arrondissements au moins deux fois par an. Par ailleurs, l'article 112 concerne la bourse des arrondissements qui est partagé en deux parts : une de l'animation locale, et une autre de la gestion locale. La part de l'animation locale est accordée par rapport au nombre d'habitants de la commune. La seconde part, portant sur la gestion, est liée à l'importance des dépenses de la gestion sauf celle qui a un rapport avec les employés et les charges financiers, elle relève du budget de la commune. Les espaces publics, un nouveau centre d'intérêt Ce projet de loi apporte également de nouvelles dispositions concernant les espaces publics de la commune. Dans ce cadre, l'article 139 annonce que le ministre de l'Intérieur peut prendre toutes les dispositions nécessaires pour la bonne gestion de ces espaces, tout en prenant en considération les missions des conseils communaux et de leurs présidents. Aussi les walis des régions peuvent exercer quelques missions à ce propos après délégation du ministre de l'Intérieur.