La diplomatie franco-allemande regorge de détails croustillants sur les maladresses d'un homme pressé de séduire et de convaincre quitte à confondre un grand forum diplomatique avec un meeting électoral de l'UMP. Ce premier juillet 2008 est si important pour Nicolas Sarkozy qu'il rappelle, dans son attractivité symbolique et sa puissance euphorique, les moments inédits dans sa carrière politique comme son accession à l'Elysée. Aujourd'hui, la France prend la présidence de l'Union européenne et Nicolas Sarkozy devient pour six mois le patron des 27 pays de l'Union. La responsabilité est si grande et le risque de dérive si évident que de nombreuses personnalités appellent à installer la modestie comme vertu cardinale de la nouvelle gouvernance. D'abord, l'ancien président Valery Giscard d'Estaing y va de son diagnostic sous forme d'avertissement : «Les Français, qui ne sont pas modestes, croient que la présidence de l'Union consiste à diriger l'Europe. Or, l'Europe est dirigée par ses institutions, et pendant six mois la France va exercer la présidence de l'une d'elles, le Conseil». Ensuite, il y a le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, qui lance cette phrase comme d'autres congédient un mauvais sort : «Il faudra être modestes et déterminés, tâcher d'être efficaces dans une Europe qui n'est plus évidente pour les peuples». Ces appels à la modestie ne sont pas là pour faire joli dans la galerie ni pour jouer les oiseaux de mauvais augure. Ils traduisent une profonde inquiétude de voir cette présidence française, engagée dans une impitoyable course contre la montre, vouloir faire cavalier seul et imposer un agenda qui peut braquer de nombreux pays de l'Union. Il est vrai que pour bien cadrer le projet européen de sa présidence, la France s'est fixée quatre grandes priorités : l'énergie, l'environnement, l'Europe de la défense, l'agriculture et le pacte européen sur l'immigration. Sur ce dernier point, des grincements de dents et de divergences ont déjà commencé à se faire entendre entre Français et Espagnols. Point de litige entre les deux pays, le principe des régularisations massives. La France opte pour le cas par cas alors que l'Espagne vient de régulariser 600 mille personnes et craint des pénalités rétroactives ou qui limitent largement sa marge de manoeuvres dans le domaine. Or, le pacte européen d'immigration est un des sujets majeurs de cette présidence française. En plus d'une crise énergétique chronique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Européens, Nicolas Sarkozy doit aussi composer avec les effluves du Non Irlandais qui illustrent les doutes et les hésitations. Jean-Pierre Jouyet, l'homme sur lequel le président de la république compte pour déminer les crises et aitres blocages de l'Europe résume le danger qui guette cette présidence française : «Le «Non» irlandais traduit la crise qui existe entre les opinions publiques et la manière dont l'Europe se construit, la coupure entre les élites et la vie ordinaire de nos concitoyens européens. Rien ne serait plus grave que de sous-estimer la portée de ce «Non». Les appels à la modestie visent aussi Nicolas Sarkozy. Il est vrai que le président français avait débuté son quinquennat par un grand coup d'éclat européen en faisant adopter in extremis le traité simplifié qui a été ratifié à Lisbonne. Mais à un moment où sa popularité reste désespérément plombée, où son autorité est ouvertement défié, où les perspectives hexagonales sont aux nuages orageux plutôt qu'à la brise printanière, il est à craindre qu'il ne profite de ce théâtre européen pour tenter de se refaire une santé. Deux grandes occasions immédiates s'offrent à lui pour étoffer sa stature : le sommet de la Méditerranée prévu le 13 juillet et les Jeux Olympiques de Pékin prévus le 8 aout. Autre interrogation qui suscite une grande curiosité concerne le style de Nicolas Sarkozy. Entre «brutalité» et «arrogance», le président français n'a pas laissé que de bonnes impressions chez ses pairs européens. La chronique diplomatique franco-allemande regorge de détails croustillants sur les maladresses d'un homme pressé de séduire et de convaincre quitte à confondre un grand forum diplomatique avec un meeting électoral de l'UMP. Il est presque acquis que Nicolas Sarkozy profitera de ses six mois de présidence qui coïncident avec une paralysie américaine pour cause d'élections pour mettre l'Union européenne au cœur de conflits les plus insolubles de la région comme la paix au Proche-Orient, la crise iranienne ou des questions les plus complexes comme la relation avec la Russie.