Les troupes Issil Marrakech et Biladi Rolling Theatre ont entamé, mercredi 4 juin, une tournée dans plusieurs régions du Maroc avec le spectacle «Le pain nu» de Mohamed Choukri, qui se poursuit jusqu'au 1er juillet. La mise en scène du roman de Mohamed Choukri «Le pain nu» est signée Jean-Baptiste-Demarigny, comédien français et metteur en scène, formé au Théâtre des Quartiers d'Ivry et à l'École supérieure d'art dramatique de Montpellier (dirigée par Ariel Garcia- Valdès). La pièce est interprétée par Fatima Mhaireg, comédienne marocaine, formée à l'Institut Supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle de Rabat. La pièce est une sorte d'hommage à Mohamed Choukri, l'enfant des rues de Tanger et des bas-fonds de la ville, le fruit de la misère, de la violence, de la prostitution et de la drogue, qui décide d'apprendre à lire et à écrire à l'âge de 20 et deviendra instituteur. «Le pain nu», la voix libératrice du peuple qui s'élève, 17 années d'interdiction au Maroc, de 1983 à 2000, a été publié en arabe en 1982. Sur une musique originale de Benjamin Breda, avec une durée d'une heure quinze minutes, le spectacle en arabe dialectal est le fruit d'une collaboration entre la troupe marocaine Issil Marrakech et la troupe française Biladi Rolling Theatre. «J'ai été touché par la grande qualité littéraire et humaine de l'œuvre de Choukri. J'ai déjà travaillé avec Fatima dans la pièce «En attendant que la neige tombe». Elle a cette facilité de passer d'un personnage à un autre, ce côté humain qui qualifie en effet Mohammed, le personnage principal du roman», déclare, Jean-Baptiste Demarigny, le metteur en scène. Le choix du «Pain nu» s'explique par le fait que cette œuvre est une sorte de mimesis de la réalité à la fois du narrateur, du romancier et des personnages qui se faufilent dans l'oeuvre. «Le roman donne une idée assez proche d'une partie du Maroc que je connais. C'est la réalité d'une population marginalisée, amplement humaine mais qui sévit dans la pauvreté et lutte pour survivre», affirme Jean-Baptiste. La création de la pièce a été faite en Espagne suite à une invitation de la troupe Karlik Danza. Les premières répétitions ont été entamées en janvier 2008. La mise en scène de Jean-Baptiste est partie d'une phase d'observation, car la comédienne devait, à chaque étape des répétitions, descendre dans la rue, observer les comportements de personnes réelles ayant les mêmes traits que les personnages du roman. Une manière de s'imprégner de situations vraies et de rester fidèle à l'esprit de Choukri. Dans cette nouvelle pièce, la comédienne est amenée à interpréter une vingtaine de personnages, de passer d'une situation à l'autre, bref, de subir d'éternelles métamorphoses. «Nous n'avons pas touché au fond littéraire du texte. Nous sommes passés de l'arabe classique, celui de Choukri, à l'arabe dialectal. C'est idem pour la version française à laquelle, nous nous sommes permis de greffer quelques mots et phrases en arabe », note le metteur en scène. L'accent est beaucoup plus mis sur les actions, la gestuelle de la comédienne que sur les mots. « Pour ne pas choquer le public et reprendre texto certains termes du roman, nous avons remplacé par exemple « prostituée » par « Bent Al hawa » », renforce Jean-Baptiste. Pour mettre en scène le roman de Choukri, il fallait en comprendre le message primordial, qui est principalement celui de la laideur supposée, qui enfante énormément de beauté et d'humanisme. Le spectacle est à la fois profond et naïf, à l'image du personnage Mohammed. Une véritable gageure, celle de faire interpréter le rôle de Mohamed Choukri par une femme, Fatima, seule sur scène pendant 1h15 mn. Financée par le Service culturel de l'ambassade de France, la tournée aura lieu dans les villes du Maroc habituellement délaissées par l'offre culturelle : Témara (4 et 5 juin), Khémisset (7 juin), El Mâaziz (8 juin), Khouribga (10 juin), Oued Zem (11 juin), Béni Mellal (12 et 13 juin), Azemmour (15 juin), Sidi Bennour ou Oualidia (16 juin), Safi (18 juin), Youssoufia (19 juin), El Kalâa des Sraghna (20 juin), Ben Guerir (21 juin), Ouarzazate (23 juin), Zagora (24 juin), Errachidia (26 juin), Erfoud (27 juin), Figuig (30 juin), Bou Arfa (1er juillet). Rendez-vous avec le spectacle «Le pain nu», où sur scène se joue la violence des bas-fonds, la sexualité auprès des prostituées, le vin et le kif avec les amis, l'autobiographique et le récit d'une jeunesse ratée, mais rattrapée. Ce sont les tribulations tristes et désespérées d'un enfant abandonné à lui-même, comme il y en a tant aujourd'hui. C'est le spectacle d'une vie déchirée et déchiquetée en mille morceaux.