«Le printemps de l'écriture» est le thème sous lequel s'inscrit la nouvelle exposition de l'artiste peintre Mehdi Qotbi, prévue du 15 avril au 17 mai à la Galerie Venise Cadre à Casablanca. ALM : Flash back pour redessiner le croquis de Mehdi l'enfant, ses souvenir du lycée militaire de Kénitra, la fameuse peinture représentant un tigre au club des scouts, la rencontre avec Gharbaoui, Alerini… Mehdi Qotbi : Comme beaucoup de Marocains de l'époque, j'ai vécu une enfance très difficile et rude. J'ai eu une enfance de frustration, de manque. Je n'avais pas la possibilité de jouer comme tous les enfants de mon âge. J'avais un père très dur et très sévère. J'ai souffert d'un manque terrible d'affectivité. J'ai toujours bataillé pour survivre. Très tôt dans mon enfance, j'ai découvert la nécessité de m'en sortir. Mon seul et unique salut était d'aller vers les autres. C'est grâce à Aherdane que je suis entré au lycée militaire de Kénitra où j'allais être confronté à un milieu qui n'était pas le mien. C'était la société de jeunes issus de familles aisées. Pour la première fois, j'avais la possibilité de manger de la viande au quotidien. Les moments du goûter, c'était nouveau pour moi qui suis habitué au pain et au thé. Je me suis rendu compte que je n'étais pas fait pour les études, j'ai décidé de m'inscrire au club de scootisme et c'est là où je découvre ma passion pour la peinture. Ma vie a basculé le jour où j'ai touché un pinceau pour réaliser une fresque représentant un tigre. Et pour la première fois, le regard de l'autre devenait différent. On a besoin de l'autre, d'aimer et d'être aimé. La rencontre avec Gharbaoui était des plus déterminante. C'était un homme d'un sourire avenant chose qui m'a encouragé d'aller vers lui lors d'une exposition et de lui dire que j'étais peintre. Il m'a demandé de lui montrer mes peintures. Je n'en avais aucune. Il a fallu que je passe toute une nuit à peindre comme un fou avec la main, car je n'avais pas de pinceau. Le lendemain, je pars voir Gharbaoui, je lui présente des peintures. Etaient présents deux avocats qui ont acheté mes tableaux à 20 dh chacun. Avec cet argent, je cours acheter des pinceaux et des tubes de peinture. C'est grâce à Gharbaoui que je suis devenu peintre. Il m'a donné les instruments qui m'ont permi d'utiliser le langage pictural. Après je pars trouver M. Alerini, directeur à l'époque de l'école des Beaux arts à Rabat. Je lui dis que je voulais apprendre à peindre mais que je n'avais pas un sou. Si je suis aujourd'hui ce que je suis, c'est parce que j'ai eu une vie terriblement dure. Le talent est aussi le produit de l'obstination. Le départ en France ? J'étais dans un état de désespérance et d'errance totales. Je suis parti sans l'autorisation paternelle. C'était énormément difficile. J'allais être transplanté dans un milieu qui m'était complètement étranger. J'avais pourtant cette facilité d'aller vers les autres. Je crois profondément à l'alchimie des rencontres. Comment s'explique la fascination pour la lettre arabe à laquelle vous avez donné de la couleur? Ayant vécu pendant des années à Toulouse, j'avais fini par perdre l'usage de la langue arabe. C'est comme si, inconsciemment, je voulais tout oublier. Peindre les lettres arabes, c'était en quelque sorte, retrouver, redécouvrir et faire redécouvrir mes racines et mes origines. Je ne suis pas un calligraphe. Chez moi c'est lisible par le coeur. Mon œuvre a une dimension universelle. Je suis dans pas mal de musées à travers le monde mais presque absent dans le monde arabe, à part mon pays. Que vous ont apporté les rencontres enrichissantes ayant jalonné toute votre carrière ? C'est un apprentissage, un savoir, une métamorphose euphorique, une confiance en soi et en ce qu'on entreprend. Je dois beaucoup à Léopold Sengor, Aragon, Derrida, Octavio Paz, Feu Hassan II le meilleur brodeur des mots et phrases, Aimée Césaire ayant fait deux grands livres, l'un avec Picasso « Corps perdu » et un autre avec moi « Osculpter le dédale ». Vous êtes l'artiste peintre mais également le lobbyiste politique. Vous avez en effet créé deux associations ; le Cercle d'amitié franco-marocain et Trait d'union Maroc-Europe. Peut-on vous qualifier de militant ? La création de ces deux associations s'était faite d'abord dans les conversations au sein des palais présidentiels, les palais royaux, les salons littéraires, où les gens me trouvaient différent des autres arabes. Je ne voulais pas faire l'exception car je savais que le monde arabe regorgeait d'artistes talentueux, d'écrivains, de chercheurs, de scientifiques… Le cercle d'amitié contribuait à faire connaître mon pays. Je regrette de constater que nos diplomates n'ont pas encore compris que la société civile a un rôle beaucoup plus déterminant à jouer pour faire valoir l'image du Maroc. C'est par esprit républicain que vous avez soutenu Chirac lors de sa campagne présidentielle ? Je ne suis pas républicain. Je suis très sensible à la chaleur humaine et Chirac est une personne excessivement chaleureuse. J'ai eu la chance de l'approcher grâce à mon grand ami Dominique De Villepin. Chirac est un homme vrai. Il est profondément humain. Je sais ce que veut dire un sourire vrai, une tape affectueuse sur une épaule... Vous avez évoqué devant des personnalités étrangères à maintes reprises le problème du Sahara. Je suis le premier à faire déclarer à François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, que le Sahara devait naturellement faire partie de l'environnement marocain. Je milite par amour pour mon pays et je continuerai de militer pour ma patrie. Je respire dans ce pays qui est le Maroc d'aujourd'hui. Militer c'est créer, c'est remettre et se remettre éternellement en cause. Le printemps de l'écriture ? Célébration de l'écriture en couleurs. C'est le printemps des couleurs. C'est un hymne à l'amour et à la vie.