Alors que Nicolas Sarkozy affirme que la Libye a été politiquement invitée à progresser sur le chemin des droit de l'Homme, le guide libyen dément s'être entretenu sur la question avec le président français. Y a-t-il eu un faux problème de traduction ou un vrai mensonge d'Etat dans la communication entre Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy ? L'un, le président français, affirme, dans le but manifeste de dégoupiller la bronca générale qui s'était levée au sein de l'opposition et même à l'intérieur du gouvernement pour protester contre l'épaisseur du tapis rouge déroulé au Raïs libyen, que la Libye a été politiquement invitée à progresser sur le chemin des droit de l'Homme. L'autre, «le Guide de la révolution», droit dans ses costumes traditionnels, est catégorique sur le sujet : «Nous n'avons pas évoqué, moi et le président Sarkozy, ces sujets» et se permet même le luxe d'en rajouter dans les effets désastreux de la dénégation : «Nous sommes des amis assez proches. Nous coopérons. Nous avons évoqué les questions de coopération entre les deux pays. Nous avons évoqué tous ces contrats dans tous les domaines et dans l'intérêt des deux pays, la coopération euro-africaine, l'Union méditerranéenne». Et brusquement un doute s'installe. La presse déjà remontée par la vague d'indignation qui accompagne cette visite, s'empare de l'affaire et pose l'équation de la vérité et du mensonge. Un éditorialiste de la presse régionale, «La République des Pyrénées» s'interroge crûment : «Qui ment ? Kadhafi ou Sarko ? Avec la tête d'halluciné hirsute du premier et son regard qui se perd, on ne sait où, on serait plutôt tenté d'accorder crédit à Nicolas Sarkozy (…) Alors faut-il croire Kadhafi le fou ou Sarkozy, le trop habile agité qui, notamment lors sa campagne, a déjà maintes fois montré sa capacité à mentir?». Cette simple interrogation n'est pas à l'avantage de Nicolas Sarkozy dont la parole est remise publiquement en doute au point de conforter sa réputation de vendeur de vents qui commence sérieusement à ternir sa crédibilité et sa popularité. Le président français et ses communicateurs se replient sur une stratégie bien huilée : la conquête de nouveaux marchés par les entreprises françaises vaut bien toutes les audaces, y compris celle d'accorder les grands honneurs à un régime, jadis honni mais aujourd'hui à la recherche d'une respectabilité internationale. A tous ceux qui lui en font le reproche , Nicolas Sarkozy, extrêmement vexé de ne pas avoir été compris dans sa démarche de gestionnaire réaliste, a eu des mots extrêmement durs pour stigmatiser leur paresse intellectuelle d'adolescents attardés et leur manque d'imagination. Il n'est pas acquis que le cercle des amitiés à gauche de Nicolas Sarkozy, qu'on dit se trouver à la veille d'un remaniement gouvernemental, se soit élargi de manière significative A part celle où il avait communiqué sur son divorce, Nicolas Sarkozy est en train de vivre, sans exagération aucune, la semaine la plus dure depuis son installation à l'Elysée. Alors qu'il tentait désespérément d'éteindre la polémique sur le mensonge sur les droits de l'Homme, son invité de la semaine Mouammar Kadhafi, boycotté par l'opposition à l'Assemblée nationale, remet une couche de provocation dans son discours à l'Unesco : «Avant de parler des droits de l'Homme, il faut vérifier que les immigrés bénéficient chez vous de ces droits (…) Les Africains immigrés sont considérés comme des marginaux, des nécessiteux. Ils expriment leur colère parfois par la violence, allument des incendies (…) Je réprouve la violence, mais ceux qui expriment leur mécontentement vivent des situations difficiles en Europe, cela mérite qu'on y réfléchisse». Pour l'opposition, composée dorénavant de la gauche plurielle, des centristes de François Bayrou et d'une aile de l'UMP restée fidèle à Jacques Chirac et à Dominique de Villepin, qui peinait beaucoup à exister devant l'incroyable énergie et l'indiscutable talent de communication de Nicolas Sarkozy, la visite du Guide libyen est une aubaine tombée du ciel. Elle leur a permis de démystifier la démarche de Sarkozy et le pilonnant à volonté sur ses compromissions les plus voyantes et ses contradictions les plus avérées. Il fallait voir avec quel plaisir les chefs de l'opposition, jadis endormis, se succédaient devant les objectifs des caméras pour distiller leurs critiques contre la visite de Kadhafi. Une vraie renaissance. Du fond de son Palais de l'Elysée, Nicolas Sarkozy doit trouver le temps long… avant que cette lourde semaine libyenne ne se termine.