Intervenant lors d'un récent séminaire à Casablanca sur la question de la participation politique des femmes, Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité a plaidé pour un renforcement du rôle féminin dans la gestion des affaires publiques. ALM : Comment voyez-vous la représentativité des femmes dans la gestion des affaires publiques ? Nouzha Skalli : Il y a un grand paradoxe. Au niveau de l'actuel gouvernement, pour la première fois, sept femmes ont été nommées ministres, soit un peu plus de 20% des membres du gouvernement alors que dans les assemblées locales, le taux de représentativité des femmes est très faible. Si on prend le cas des femmes conseillères municipales, elles ne sont que 127 parmi 24 600 élus municipaux à travers 1540 communes. Il y a un véritable dysfonctionnement dans la démocratie. Il est impossible de parvenir au développement social sans la prise de décision des femmes. Le Maroc s'est engagé à atteindre un taux de représentativité de 30% pour les femmes dans les instances élues en 2015. Quel est le taux de représentation de la femme dans la gouvernance locale ? Il est navrant de voir que le taux de représentation de la femme dans la gouvernance locale n'est que de 0,58%, un pourcentage quasiment nul. Pour plus de 1500 communes, on compte seulement 127 femmes élues. Ce pourcentage est la preuve même que les femmes sont absentes de la gestion communale. Lors du séminaire, j'ai insisté sur l'idée selon laquelle les femmes ont besoin de la politique pour résoudre leurs problèmes, de même que la politique a besoin des femmes. En l'absence des femmes aux postes de décision, les politiques publiques ne peuvent prendre en charge les besoins des femmes et des enfants et cela entraîne par conséquent, un déficit en droits pour les femmes sur tous les plans et à tous les niveaux, à la féminisation de la pauvreté, à l'analphabétisme, au chômage et à la violence à l'égard des femmes sous toutes ses formes. Pour vous donner un exemple, c'est comme, si un père de famille allait faire ses courses sans l'avis de sa femme. Avec une plus grande représentativité des femmes dans les assemblées locales, quelles seront les répercussions sur la gestion des affaires locales ? Il est certain qu'une plus grande représentativité des femmes dans les assemblées locales aurait des répercussions positives. Il y a une véritable anarchie dans la gestion locale. Je suis convaincue que si on permettait aux femmes d'être davantage impliquées dans la gestion de la chose publique, les choses ne pourraient que s'améliorer pour notre pays. La participation politique des femmes est la clé du développement. Il y a une volonté dans la théorie mais dans la pratique, c'est autre chose. Que faut-il faire pour impliquer davantage la femme dans les affaires publiques ? Je pense qu'aucune mesure ne doit être prise isolément. Il faut sensibiliser les femmes et de manière générale la société . Lors de ce séminaire, le Premier ministre Abbas El Fassi a indiqué que le gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre une stratégie multidimensionelle pour accroître la représentation des femmes lors des prochaines échéances électorales pour renforcer la parité, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement du PNUD. Il est aussi question d'établir un équilibre entre les deux sexes. Il serait inacceptable d'avoir des communes à 100% féminine ou au contraire masculines. Il faudrait des lois qui puissent remettre en question cette démocratie neutre. Autrement dit, un système qui puisse prendre en considération cette inégalité qui sévit dans notre pays.