Pour faire oublier ses charges directes contre la Russie de Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy a opté pour la stratégie de la dramatisation positive : «le statut retrouvé de la Russie, a-t-il dit à Moscou, doit être accueilli tout à fait sereinement». Dans un autre pays que la Russie, la rencontre d'un président de la république fraîchement élu avec un homologue terminant péniblement deux mandats aurait fatalement l'air d'une rencontre de courtoisie, avec l'exquise nonchalance de la politesse diplomatique. Dans le cas de la première rencontre de Nicolas Sarkozy et de Vladimir Poutine, la pression et la tension sont au rendez-vous comme si les deux hommes allaient devoir entretenir une relation de longue haleine. C'est que, d'un côté le président français avait en face de lui un homme atteint manifestement par une forte addiction au pouvoir. Alors que la Constitution russe lui interdisait formellement de briguer un troisième mandat, le 1er octobre dernier, il a dévoilé un stratagème aussi légal que diabolique pour rester au pouvoir tout en quittant le Kremlin : sa décision de conduire la liste de «Russie Unie», un parti catalogué au centre droit, aux prochaines élections législatives du 2 décembre prochain, semble lui ouvrir la voie vers le poste de Premier ministre. Une prédilection particulière donne Victor Zoubcov, actuel Premier ministre, au poste de président. La certitude des observateurs sur le sujet provient du jeu politique patiemment verrouillé par un Vladimir Poutine passé maître dans l'art de dompter les appareils. D'un autre coté, Nicolas Sarkozy avait beaucoup à se faire pardonner auprès de Vladimir Poutine. N'a-t-il pas retrouvé une sorte de «virginité» atlantiste, lui permettant d'envoyer vers Washington les œillades les plus appuyées, en forçant à dessein la critique à l'encontre de Moscou sur des sujets aussi divers que la Tchétchénie, le Kosovo, la politique gazière, la liberté de la presse ou les droits des homosexuels ? N'a-t-il pas utilisé le théâtre russe comme terrain idéal pour montrer sa rupture avec l'ère Chirac qu'il a accusé, en des mots à peine voilés, de viles compromissions et de silences contraints ? Pour faire oublier ces charges directes contre la Russie de Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy a opté pour la stratégie de la dramatisation positive : «le statut retrouvé de la Russie, a-t-il dit à Moscou, doit être accueilli tout à fait sereinement, parce qu'en contrepartie, il lui permettra d'assumer et d'exercer ses responsabilités qui vont de pair avec sa légitime aspiration à être une grande puissance». Cette démarche de reconquête, Nicolas Sarkozy n'oublie pas l'homme, Vladimir Poutine qui aurait pu se sentir personnellement amoindri. Il y va donc de son petit compliment destiné à huiler une atmosphère qui s'annonçait lourde : «Depuis ma rencontre avec le président Poutine au sommet du G8, je sais que j'ai affaire à un homme pragmatique, aimant son pays, libre de toute posture et de tout dogmatisme. Cela devrait nous aider à trouver un langage commun sur ces grandes questions internationales». Deux questions vitales au moins opposent Sarkozy à Poutine. D'abord le Kosovo que la France voudrait indépendante. Un cauchemar pour Moscou qui, en raison de ses amitiés historiques avec les serbes, s'y opposent de toutes ses forces. Ensuite l'Iran que la France voudrait contraindre à abandonner son programme d'armement nucléaire par un régime croissant de sanctions alors que la Russie estime suffisants les mécanismes standards de contrôle l'activité iranienne. Au delà des différences d'appréciations de ces questions internationales, la ville de Moscou qu'a visitée le président français avait les boulevards étrangement tapissés de panneaux publicitaires, indicateur d'une florissante activité économique. D'ailleurs la France de Nicolas Sarkozy n'a pas à se plaindre de son niveau de coopération économique avec la Russie . Pour l'illustrer, Nicolas Sarkozy cite volontiers deux exemples qui en sont les symboles les plus dynamiques : « La réalisation de l'avion Superjet 100 par l'avionneur Soukhoi en partenariat avec des entreprises françaises (Snecma et Thalès) et l'utilisation de lanceurs russes Soyouz sur le pas de tir de la base de Kourou, en Guyane ». Au premier semestre de cette année, les statistiques fournies par l'Elysée indiquent que les exportations françaises vers la Russie s'élevaient à 2,7 MD d'euros tandis que les importations atteignaient 4,9 MD d'euros.