Le bras de fer entre Washington et Téhéran ne cesse de prendre de la vigueur. Le président américain accuse le régime iranien de vouloir provoquer «un holocauste nucléaire». Fait rare dans les annales, une unanimité s'est dégagée dans les milieux chargés de suivre la crise iranienne pour souligner un fait important : Jamais les menaces de représailles des autorités iraniennes en cas d'attaque militaire américaine contre le régime des Ayatollahs n'ont été aussi explicitement formulées que depuis que le général Rahim Yahia Safavi, récemment nommé au nouveau poste de conseiller spécial militaire du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei s'est exprimé sur le sujet. Avec l'allure d'un véritable plan de guerre détaillant les cibles stratégiques à atteindre, Yahia Safavi affirme que «Les Etats-Unis feront face à trois problèmes s'ils attaquent l'Iran (…) D'abord, ils ne connaissent pas l'ampleur de nos représailles… et ils n'apprécient pas la vulnérabilité de leurs 200.000 hommes dans la région, puisque nous avons précisément identifié toutes leurs bases (…) Deuxièmement, ils ne savent pas ce qui arrivera à Israël, et troisièmement les Etats-Unis ne savent pas ce qui arrivera à l'approvisionnement en pétrole». Cette montée en puissance dans la menace et ce luxe dans la description de l'avertissement est à mettre, selon de nombreux observateurs, sur le compte des luttes intestines qui traversent le régime iranien. Elle coïncide avec le retour en force de l'ex-président iranien Akbar Hachémi Rafsandjani sur la scène politique en étant élu à la tête de l'Assemblée des experts, un organe chargé notamment de l'élection du guide suprême. Décrit par ses portraitistes comme «un faiseur de rois», le retour d'Akbar Hachémi Rafsandjani a vite provoqué une excitation collective dans les chancelleries occidentales quant à ses possibles conséquences. En effet, la présidence de ce «conservateur pragmatique», allié un temps au réformateur Mohamed Khatami, est demeuré liée dans les mémoires à une volonté d'ouverture vers l'étranger et à des tentatives de rapprochement avec Washington. Un style et des choix qui tranchent avec l'approche radicale suivie par l'actuel président Mahmoud Ahmadinejad. Ce dernier a récemment défrayé la chronique politique et militaire en étalant publiquement les arguments qui le poussent à croire que la machine militaire américaine n'osera jamais s'en prendre à son pays : «Je suis un ingénieur, je suis spécialiste en chiffres et en calcul (…) je dresse des tableaux, j'écris des hypothèses pendant des heures, je rejette, je raisonne, et je tire une conclusion. Ils ne peuvent pas créer des problèmes pour l'Iran (…) Ma deuxième preuve est que je crois en ce que Dieu dit. Dieu dit que ceux qui suivent le chemin de la droiture seront victorieux. Quelle raison pouvez-vous avoir de ne pas croire que Dieu tiendra sa promesse ?» Des arguments qui rappellent étrangement l'autisme d'un Saddam Hussein enfermé dans ses certitudes ou l'ego exagérément gonflé du président nord-coréen Kim Jong-il. Le bras de fer entre Washington et Téhéran ne cesse de prendre de la vigueur. Quand le président américain accuse le régime des Ayatollahs de vouloir provoquer «un holocauste nucléaire», ou quand il envisage d'inscrire le corps d'élite des Gardiens de la Révolution ( GRI) sur la liste des organisations terroristes, nombreux sont ceux qui voient dans ce genre de déclarations et de mesures une volonté manifeste de préparer l'opinion internationale à d'inévitables opérations militaires américaines contre l'Iran. Signe supplémentaire de la détermination américaine sur le sujet, les prises de postions extrêmement tranchées du président français Nicolas Sarkozy juste après sa rencontre estivale avec le président Bush : «Un Iran doté de l'arme nucléaire est pour moi inacceptable, et je pèse mes mots», avait martelé Nicolas Sarkozy avant de détailler les efforts diplomatiques menés par la communauté internationale pour convaincre l'Iran d'abandonner son programme d'armement nucléaire. «Cette démarche, avait conclu Sarkozy, est la seule qui puisse nous permettre d'échapper à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran». Cette sortie remarquée de Nicolas Sarkozy lui avait valu une volée de bois vert de la part de Mahmoud Ahmadinejad: «Il manque encore d'expérience, ce qui veut dire que peut-être il ne comprend pas vraiment le sens de ce qu'il dit ».