La visite surprise effectuée par le président américain George Bush en Irak, à quelques jours de la remise du rapport tant attendu du général David Petraeus, est une opération visant à répondre à la fois à des impératifs de politique interne et à des contraintes internationales. Il fallait bien attendre un effet d'annonce pour justifier la visite surprise de George Bush en Irak à quelques jours de la remise du rapport tant attendu du général David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak, et Ryan Crocker, l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad au Congrès faisant le point sur les choix militaires de la Maison-Blanche. Et ce fut la phrase prononcée par le président américain sur la possible réduction des troupes américaines en Irak si les progrès en matière de sécurité tels que ceux enregistrés dans la province sunnite d'Al Anbar viennent à se confirmer dans d'autres régions moins sûres et plus instables. Il est vrai que ce n'est pas la première fois que le président Bush conditionne publiquement le départ des soldats américains à une amélioration des conditions de sécurité dans le pays et à une capacité des forces irakiennes à prendre leur destin en main et à assumer pleinement leurs responsabilités militaires. C'était d'ailleurs sa principale ligne de défense quand, acculé par son opposition démocrate, il devait fixer un horizon à une situation qui se dégradait inexorablement. Ce qui rendait le message moins clair et moins direct c'est que les rédacteurs des discours de G. Bush avaient l'habitude d'inclure le couplé obligé sur l'indispensable lutte contre Al Qaida en Irak. Prétexte qui pouvait à tout moment annuler toutes les promesses et tous les agendas. Alors qu'aujourd'hui, que des mots tant bannis du vocabulaire militaire américain de «réduction d'effectifs» ou «possible retrait «soient même effleurés par le président américain à Bagdad en dit long sur l'étroite marge de manœuvre qui lui reste pendant les 16 derniers mois de sa présidence. Malgré cette manifeste préparation de l'opinion à une marche arrière, G. Bush prend soin de l'envelopper en estimant que toute réduction «sera basée sur une évaluation sereine faite par la hiérarchie militaire (...) et non pas à partir de réactions politiciennes nerveuses à Washington». Même préparée en secret depuis six semaines comme l'a affirmé le conseiller à la sécurité nationale, Stephen Hadley, la visite de G. Bush ne peut être indifférente à trois facteurs majeurs de l'actualité irakienne. Le premier est d'ordre domestique américain. A la veille de la rentrée parlementaire, les farouches opposants démocrates aiguisent leurs couteaux en attendant le fameux rapport Petraeus-Crocker destiné , soit à valider les choix militaires de l'administration Bush lorsque, contre toute attente notamment les recommandations de la commission Baker/Hamilton, elle a décidé d'augmenter les troupes en Irak, soit annuler cette stratégie en constatant le peu de progrès qu'elle a accompli et son incapacité à garantir une stratégie de sortie de crise. Le second facteur concerne la dégradation visible des rapports entre l'administration Bush et le Premier ministre Nouri Al Maliki. Ce dernier s'oppose ouvertement à la stratégie suivie par le général Petraeus et qui consiste à armer les chefs de tribu sunnites pour les enrôler dans la lutte contre l'insurrection et Al Qaïda. G. Bush se sent obligé de l'adouber vue la violence des critiques à son égard : «Mon message à Maliki est: vous avez beaucoup de travail à faire et quelles que soient les décisions prises à Washington elles visent à vous aider à réaliser ce qui est nécessaire pour faire le boulot». Le troisième facteur est le retrait britannique de la ville de Bassorah signant la démarcation de Gordon Brown de l'héritage de Tony Blair. Un coup dur de la part d'un fidèle allié. Ce retrait fut précédé par des critiques inédites de hauts responsables militaires britanniques à l'encontre de l'administration Bush. Le général Tim Cross affirme avoir tenté de convaincre l'ancien secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfield de la nécessité d'obtenir un soutien international et de déployer suffisamment d'hommes sur le terrain afin de reconstruire l'Irak. Sans succès. «Il ne voulait pas entendre ce message. Les Américains s'étaient déjà convaincus que l'Irak se transformerait assez vite en une démocratie stable». Approche qualifiée par le général Mike Jackson, qui dirigeait l'armée britannique pendant l'invasion de «faillite intellectuelle».