Même si Français et Allemands se sont félicités de la nouvelle architecture de la direction du groupe EADS, le sommet de Toulouse n'a pas manqué de mettre en avant les divergences entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Pour que la chancelière allemande Angela Merkel, célèbre pour sa sévérité naturelle et son sérieux ecclésiastique, ose un calembour en présence de Nicolas Sarkozy, c'est que les relations entre les deux dirigeants, qui ont traversé ces derniers jours une période tendue, nourrie de divergences accrues, viennent de connaître un indiscutable bon qualitatif. C'est arrivé au cours du sommet franco-allemand de Toulouse, à l'intérieur d'un gigantesque hangar d'une usine au siège d'Airbus. Angela Merkel arborait fièrement, devant un parterre d'ouvriers français et allemands un tee-shirt bleu portant le logo d'Airbus. Terminant un discours enthousiaste, elle lance en direction du président français : «Je sais ce que nous allons en faire, avait-elle lancé à une assistance acquise, Nicolas va le mettre pour faire son jogging et moi je vais le porter pendant mes travaux de jardinage». Nicolas Sarkozy, désarçonné par cette inhabituelle saillie drolatique de la chancelière et cette référence doucement moqueuse de son travers d'abuser de son image de « joggeur » invétéré, se contenta d'un sourire désarmé. Cet humour badin avait ses raisons. Les deux dirigeants européens venaient d'annoncer un organigramme simplifié de la direction du géant européen EADS qui place le Français Louis Gallois seul aux commandes d'EADS et tandis que la direction d'Airbus a été confiée à son homologue allemand Tom Enders. Nicolas Sarkozy qui avait mis le dossier EADS sur la liste de ses priorités absolues avait expliqué la finalité de la manœuvre : «On s'est tous mis d'accord, tous les actionnaires, pour doter l'entreprise d'une structure de direction normale, monocéphale: un responsable à chaque étage (…) Airbus, EADS, ce sont des entreprises qui doivent être dirigées comme des entreprises et non pas comme des organisations internationales». La résolution du dossier EADS devenait urgente, les gazettes spécialisées attribuaient à son mode de fonctionnement et aux mécanismes de sa gestion, les retards subits par le A380 et la mise en place du plan « Power8 » destiné à organiser le licenciement de milliers d'ouvriers et à la vente de nombreuses filiales du groupe. Si Français et Allemands se sont félicités de la nouvelle architecture de la direction du groupe EADS qui facilite la prise de décision et clarifie les responsabilités, le sommet de Toulouse n'a pas manqué de mettre en avant les divergences entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. La France et l'Allemagne ne partagent pas du tout la même position sur le rôle que doit jouer la Banque centrale européenne (BCE). Pour Angela Merkel, qui voit d'un très mauvais œil l'interventionnisme étatique français dans le domaine industriel son indépendance, le principe de l'indépendance de la BCE est indiscutable et ne doit pas être remis en cause en fonction des choix politiques et économiques volatiles des uns et des autres. Angela Merkel avait averti à Toulouse qu' il fallait «s'abstenir d'interventions inappropriées qui ne changent rien aux taux de change» . Ce qui donne une forte divergence sur l'euro. Paris ne cesse de se plaindre qu'un euro fort ( il vient d'atteindre des records face au dollar en frôlant les 1,40) pénalise ses exportations tandis que les Allemands y voient un révélateur de stabilité et un indice de compétitivité. Au-delà des analyses triomphalistes des uns ou défaitistes des autres, Nicolas Sarkozy ayant résumé la situation pour une formule bien travaillée : «La France n'a pas gagné sur l'Allemagne, l'Allemagne n'a pas gagné sur la France, c'est EADS qui a gagné», il apparaît clair que pour sa seconde grande sortie européenne, le président français a marqué les esprits. Après avoir réussi, avec l'aide des Allemands, à convaincre ses pairs européens d'adopter le traité simplifié qui relance la dynamique de l'Europe, le voilà qui parvient à dégoupiller le malentendu sur EADS plongé depuis des mois dans une crise qui menaçait de faire voler en éclats le fameux axe franco-allemand. Et quel que soit le prix qu'il a payé , les démarches de Nicolas Sarkozy semblent toujours avoir rendez-vous avec le succès qui installe sa crédibilité en ce début de quinquennat où tous les doutes sont permis.