En reconnaissance du rôle que Marrakech a joué dans son œuvre, l'écrivain espagnol Juan Goytisolo vient de faire don à sa ville d'adoption du manuscrit de son célèbre roman «Makbara». Juan Goytisolo doit une fière chandelle à Marrakech. Il le savait, on le sentait. Il a déjà d'ailleurs donné la pleine mesure de sa reconnaissance à cette ville qui lui a inspiré ses plus beaux textes littéraires, dont le célèbre roman « Makbara » (Cimetière). Il suffit de rappeler le rôle considérable qu'il a joué pour faire inscrire l'enceinte mythique de Jamâa El Fna sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité. Maintenant, l'écrivain récidive et fait don à la bibliothèque Ibn Youssef de Marrakech du manuscrit de son illustre roman « Makbara ». On ne peut imaginer un don aussi significatif, comme celui de faire don de ce qu'un auteur peut avoir de plus précieux et de plus passionnant : son héritage intellectuel. En effet, ce geste est porteur d'une double signification. Déjà le roman est dédié aux héros anonymes de la place Jamaâ El Fna : conteurs, acrobates, charmeurs de serpents, amuseurs, troubadours, etc.. A travers ce roman, traduit dans une infinité de langues, Goytisolo a largement contribué à faire connaître au monde les différents profils de ces marchands de bonheur. En offrant, aujourd'hui, le manuscrit de « Makbara » à la population de Marrakech, il fait plus que renouveler son admiration pour la ville des Bahjas. C'est là un geste destiné à montrer à la postérité l'histoire d'une passion inoxydable. Les paroles s'envolent, les écrits restent. L'écrivain Goytisolo a la particularité d'avoir écrit tous ses livres à la main. La bibliothèque, qu'il détient dans l'ancienne médina de Marrakech, - juste derrière le célèbre café de France-, est un véritable trésor. C'est un véritable document sur la vie et l'œuvre de ce grand écrivain, qui a dû quitter si tôt Barcelone où il est né toutefois d'une famille très riche pour venir chercher une autre forme de richesse, celle de l'esprit. Il a coupé les ponts non seulement avec cette famille bourgeoise mais aussi avec toute l'Espagne du dictateur Franco. Aujourd'hui, il vit toujours avec une famille marrakchie pauvre. Entre l'exercice de l'écriture et la pratique de la lecture, il trouve le temps de s'occuper de ses trois enfants adoptifs, dont le cadet «Younès» (9 ans). Il trouve, également, le temps de fréquenter un cercle étroit d'amis qu'il a choisi en dehors de son milieu naturel, en l'occurrence la culture. Il s'agit de gens normaux, dont des petits fonctionnaires, de simples artisans (menuisiers, etc). C'est avec ces gens anonymes qu'il partage le débat du côté du café de France, deux fois par jour (matin et soir), autour d'une tasse de café. Interrogé sur les raisons de cette attitude, le chercheur hispanophone Larbi El Harti nous a dit que l'écrivain «n'aime pas beaucoup la culture institutionnelle», préférant plutôt «interagir avec le quotidien des petites gens». Ce sont ces gens-là qui habitent son œuvre. Pour le reste, l'écrivain est fort sollicité à l'étranger. Si on excepte les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, où il refuse toujours de se rendre en protestation contre la politique hégémonique de leurs dirigeants, il se rend régulièrement en Espagne et en France. Le Maroc, et plus particulièrement Marrakech, reste évidemment son lieu de prédilection. Le don qu'il vient de faire à cette ville offre ici un beau témoignage de cette préférence. Marrakech doit penser pour sa part à lui rendre hommage en baptisant l'une de ses rues du nom de Juan Goytisolo.