À Agadir, un faux prophète a été récemment condamné par la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance à deux ans de prison ferme. Ses deux disciples ont été sévèrement condamnés. «Je suis le prophète Al Mahdi…», proclamait Moulay Al Hassan à ses deux disciples prosternés à ses pieds. Ses deux disciples, au moins ceux que la police judiciaire d'Agadir est parvenue à identifier. Il s'agit de deux hommes âgés de trente-sept ans, qui fréquentent assidûment la demeure du «prophète» située au quartier Ihchach à Agadir. A aucun moment les deux hommes n'ont pensé qu'ils étaient sur une mauvaise voie, ni qu'ils s'en remettaient à un aliéné. Ils le suivaient comme son ombre et exécutaient tous ses ordres sans chercher à distinguer le bien du mal. Étrange ! Par quel moyen ce «faux prophète», quadragénaire, est-il arrivé à ce résultat : un véritable lavage de cerveau, qui a eu pour effet de transformer ces deux hommes en espèces d'esclaves, incapables de le contredire ni de s'opposer à sa volonté. Et pour commencer, comment en est-il arrivé à se proclamer prophète ? Schizophrénie ? En principe, le procureur du Roi près le tribunal de première instance d'Agadir devait le soumettre, ainsi que ses deux disciples, à une expertise psychiatrique avant de le traduire devant la chambre correctionnelle. Malheureusement, il n'a pas appliqué les dispositions de la procédure pénale lui permettant de décider de les soumettre à une expertise psychiatrique. L'affaire s'est déclenchée le 3 octobre dernier. Une information faisant état d'un quadragénaire, père de deux enfants, divorcé, se prétendant être le prophète, parvient aux services de police judiciaire d'Agadir. Un prophète autoproclamé en plein Ramadan ! Sans perdre un instant, les policiers se rendent au quartier Ihchach. Sans la moindre réticence, Moulay Al Hassan affirme aux enquêteurs être «le nouveau prophète». Les policiers ne semblent pas l'impressionner. C'est que selon sa logique, chaque prophète est amené à confronter des mécréants qui vont tenter le dissuader de faire régner sa divination. Moulay Al Hassan s'ouvre donc aux enquêteurs. Pour lui, il ne s'agit pas d'aveux mais de révélation, et les deux policiers lui apparaissent comme deux âmes à sauver. Il commence par leur expliquer que l'olivier planté devant l'entrée de sa demeure est «l'Arbre sacré» que Dieu a évoqué dans le Saint Coran et qu'il voit «Les Lumières» du bon chemin lors de son sommeil. Et que ce sont ces mêmes lumières qui l'incitent à orienter les gens à emprunter le bon chemin et à en faire ses disciples. Les deux soi-disant disciples arrêtés alors qu'ils se trouvaient en compagnie de Moulay Al Hassan affirment pour leur part aux enquêteurs que leur maître est «un prophète» intouchable, qui a été vraiment envoyé par Dieu pour répandre Sa lumière. Ils précisent que leur maître leur a affirmé être «Dou L'Qarnayne», en ce qu'il serait né au début du vingtième siècle.Convoquée par les enquêteurs, l'ex-épouse du faux prophète a déclaré avoir réclamé sa répudiation quand il ne lui a plus été possible de partager le même toit que Moulay Al Hassan, tellement ce dernier se droguait. Quant à sa prétendue sainteté, elle révèle que son ex-mari ignorait tout du Saint Coran, dont il était incapable de réciter le moindre verset. Enfin, la femme explique que Moulay Al hassan a commencé à prétendre être le «nouveau prophète» juste après la naissance de leur premier enfant, en 1994. Bien que leur foyer ait été égayé, quatre ans plus tard, d'un second enfant, ses prétentions à la prophétie ne se sont pas calmées. Au fil du temps, il a incité sa femme à croire en lui et en sa prophétie. En vain. Des paroles, il est donc passé aux actes violents. Après quelques mois de ce traitement, la femme a fini par réclamer le divorce. Lorsqu'elle a été enfin libre, elle s'est retrouvée avec deux enfants qui n'ont jamais mis les pieds à l'école, parce que le « faux prophète » l'avait interdit. D'ailleurs, conclut l'ex-épouse du faux prophète, même ses deux disciples sont divorcés. N'est-ce pas là une preuve supplémentaire de leur folie ? Le tribunal a tranché, tout au moins en première instance, le 6 octobre dernier : Moulay Al Hassan à été condamné à deux ans de prison ferme et ses deux disciples à dix-huit mois de prison ferme chacun.