Le secrétaire général du Parti de l'avant-garde démocratique et socialiste (PADS), Ahmed Benjelloun, estime que la Chambre des conseillers est inutile. Selon lui, les députés qui ont démissionné en vue d'y briguer des sièges n'ont pas de respect pour la chose publique. ALM : Que pensez-vous de la polémique induite par les démissions de députés en vue de briguer un mandat à la deuxième Chambre ? Ahmed Benjelloun : On en est arrivé à ce stade parce qu'il n'y a tout simplement pas de règles démocratiques. Quand il n'y a pas de volonté politique réelle, tous les dérapages imaginables sont permis. Avec ce qu'on pourrait appeler les vagabondages qui ont habituellement lieu d'un parti à l'autre, les gens semblent avoir fini par s'habituer à de telles pratiques. Ces «vagabonds» n'ont absolument pas le respect pour la chose publique. Et pour eux, tous les procédés sont bons, pourvu qu'ils aient le mandat le plus long afin de pouvoir régler leurs affaires personnelles et, surtout, bénéficier de l'immunité parlementaire, que ce soit dans la première ou dans la deuxième Chambre. Nous, en tant que PADS (Parti de l'avant-garde démocratique et socialiste, NDLR), nous avons tranché dès le départ et nous avons toujours rejeté l'idée de création d'une deuxième Chambre. Comment justifiez-vous ce rejet ? Evidemment que cette deuxième Chambre est inutile ! Elle fait double emploi avec celle des représentants. En fait, l'objectif réel derrière sa création, c'est d'en faire une sorte de garde-fou contre une éventuelle majorité, de gauche notamment, au sein la première Chambre. Nous sommes d'ailleurs pour la disparition de la Chambre des conseillers. Quant aux affaires économiques et sociales qui y sont traitées, il existe d'autres institutions qui pourront s'en charger et je fais allusion notamment au Conseil économique et social évoqué par la Constitution. Il y a eu la circulaire conjointe concernant le bon déroulement du scrutin du 8 septembre et la sortie de M. Benmoussa au Parlement. Selon vous, ces mesures sont-elles suffisantes ? Ces mesures sont absolument insuffisantes. Il s'agit d'abord de légiférer et de créer des lois vraiment efficaces pour contrecarrer les fraudes qui sont actuellement légion. Il ne faut pas oublier qu'il y a maintenant les voix des grands électeurs qui sont sur le marché. Et toutes les pratiques possibles et imaginables sont exploitées pour accaparer ces voix. Il y a même le cas de candidats qui ont organisé des fêtes fictives, des mariages notamment, pour réunir le maximum de voix. Tous les partis politiques ont condamné fermement ce genre de pratiques, alors qu'ils y sont tous impliqués d'une manière ou d'une autre. Qu'en dites-vous ? Même pour les partis politiques, il ne suffit pas de dire qu'on est démocrate pour l'être réellement. Cela ne se décrète pas. Quand on dit qu'il n'y a pas de volonté démocratique, on ne parle pas seulement de l'Etat qui ne s'est pas attelé à l'adoption de lois plus efficaces. Même chez les partis politiques, rien ne se fait dans ce sens. Au niveau de notre parti, nous ne sommes pas concernés par ces pratiques. Nous avons jusque-là boycotté les élections, mais nous comptons fermement combattre ces fraudeurs sur la scène électorale. Et c'est, entre autres, pour cette raison que nous nous présenterons aux prochaines élections. Finalement, ce genre de pratiques ne porte-t-il pas un coup dur à l'image de la politique en général ? Evidemment. Mais nous sommes décidés à rester sur la scène pour faire de la politique au sens noble du terme. Il est certain que les pratiques délictueuses portent un coup dur à la politique. C'est à cause de ce genre d'agissements qu'on compte malheureusement plus de 50% d'abstentions aux élections. Il faut changer tout cela et redonner sa crédibilité à la politique.