Mohamed Fadili, secrétaire général adjoint du MP, estime que même si elle ne tombe pas sous le coup de la loi, la démission des députés est éthiquement inacceptable. Le leader haraki en appelle à la responsabilité partagée. ALM : Que pensez-vous de la polémique concernant la démission de neuf députés dans l'objectif de présenter leurs candidatures aux élections de la seconde Chambre ? Mohamed Fadili : C'est une pratique éthiquement inacceptable. Les élections sont une sorte de contrat entre l'élu et les électeurs encadré par un programme, un temps et un espace. J'espère que cela ne se reproduira plus, que ce soit au niveau de l'une ou de l'autre Chambre. Car, ne l'oublions pas, nous avions vécu une situation similaire, mais dans le sens inverse : pour les élections du 27 septembre 2002, des conseillers avaient présenté leur démission pour se porter candidats à la première chambre. Même si la loi ne punit pas de telles pratiques, il faut arrêter l'hémorragie. C'est notre position au Mouvement populaire même si des députés de chez nous ont également présenté leur démission à la Chambre des députés pour les mêmes motifs. Ces derniers l'ont fait sans en référer aux instances du parti. Ce qui est malheureux. Il y a eu une série de mesures pour garantir un bon déroulement du scrutin du 8 septembre, dont une circulaire conjointe des ministres de la Justice et de l'Intérieur. Est-ce assez pour éviter d'éventuelles dérives lors de l'élection du tiers des membres de la Chambre des conseillers ? Je pense que pareilles mesures seraient incomplètes et inefficaces sans une réelle collaboration entre les partis politiques, les autorités publiques et les parlementaires conscients de leurs responsabilités. Il faut conjuguer les efforts de tous les intervenants pour éviter que soient pareillement dévoyés et les institutions constitutionnelles et les partis politiques appelés à jouer un plus grand rôle. Paradoxalement, tous les partis crient au scandale au point de nous faire croire qu'aucun d'entre eux n'est concerné. Quel commentaire faites-vous à ce propos ? Quelque part, vous avez raison, mais il faut dire que les partis politiques en général ne sont pas d'accord avec ce qui se passe. La vérité est que ces pratiques sont le fait de personnes qui profitent de la couverture partisane pour porter atteinte aux institutions et réaliser leurs propres objectifs qui ne sont pas toujours orthodoxes. Ces personnes portent gravement atteinte non seulement aux institutions et aux partis, mais aussi à la nation. Il faut dire aussi que ce n'est pas uniquement la seule responsabilité des partis qui est engagée, mais également celle de toute la société qui hésite encore à s'engager dans le fait politique. Des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas s'en sont aperçus quand ils ont constaté que la participation aux élections avait atteint des niveaux très bas avoisinant les 20 ou 25 %. Il faut sensibiliser le citoyen qui a l'impression qu'on use de sa voix à des fins peu honorables. Se pose aussi le problème des politiques et des intellectuels qui ont coupé les amarres avec leurs régions et patelins d'origine préférant se cloîtrer à Casablanca ou Rabat en attendant d'occuper la fonction ou le poste qu'ils sont venus briguer . Comment peut-on parler aujourd'hui du renouvellement des élites? Où est passée la mission d'encadrement dévolue constitutionnellement aux partis politiques? Pour en revenir à votre question, tous les partis, même ceux dits progressistes, constatent avec amertume que leurs candidats utilisent de l'argent sale pour arriver à leurs fins. Ces derniers sont connus, mais personne ne fait quoi que ce soit contre eux. Cela ne décrédibilise-t-il pas tout le processus, surtout que l'on n'est qu'à une année des élections que tout le monde qualifie de décisives pour le pays ? En réalité, le renouvellement du tiers des membres de la Chambre des conseillers et les élections législatives de 2007 sont étroitement liés. La balle est dans le camp des partis politiques. Ils doivent mettre sur les devants de la scène des personnes capables d'apporter du sang neuf à ces deux institutions. Il faut que tout le monde en soit conscient et assume ses responsabilités. Il ne faut pas oublier que certaines pratiques délictueuses ternissent l'image du Parlement. Sinon, comment expliquer la mise à l'écart de la Commission des finances de la première Chambre, par exemple ? Des voix appellent au retour au monocaméralisme. Serait-ce la solution ? Ces gens-là avancent et défendent de tels scénarios, parce qu'ils ignorent ou semblent ignorer ce qui se passe dans beaucoup de pays du monde. La solution à mon avis est de revoir les prérogatives des deux Chambres après les neuf ans de bicaméralisme que nous avons vécu. Il ne faut pas, par exemple, que les deux Chambres continuent à faire le même travail et compliquer ainsi le travail législatif et de contrôle de l'exécutif. Sinon, quelle vision avez-vous des élections de 2007 ? Contrairement aux Cassandres, je considère qu'il y aura une amélioration du travail des deux Chambres et que celles-ci gagneront plus de crédibilité. Pour conforter tout cela, il faut procéder à une révision de la Constitution dans le sens d'une meilleure adaptation du travail des deux Chambres du Parlement aux besoins du pays. Il faut aussi revoir les découpages locaux, préfectoraux et régionaux et renforcer la proposition d'autonomie formulée par le Maroc pour ses régions sahariennes. C'est triste de le constater, mais il semble que les Conseils régionaux et préfectoraux sont là pour la forme seulement. Des réformes en profondeur nous attendent aussi de ce côté-là.