Les mannequins, personnes privilégiées par la nature, sont souvent obligés de faire d'autres métiers pour gagner leur vie. L'absence d'écoles de formation et d'agences de mannequinat rendent ce métier précaire. «C'est l'unique profession au Maroc où la femme gagne plus que l'homme», soupire Redouane, l'un des rares mannequins homme de la place. A 34 ans, cette fine silhouette masculine compte dans son escarcelle, un bon rôle de figurant dans un film de Robert Redfort, une participation dans des spots-télé (confiture Delicia, marques de shampoing, communication BMCE), mais aussi plusieurs campagnes Radios et d'affichage (Layalis). Pourtant, ce prestigieux «book» ne se reflète pas sur le compte en banque de Redouane, obligé de se livrer à d'autres activités pour gagner sa vie, et de ranger le manequinat dans son répertoire de violons d'Ingres. Des cas comme celui de Redouane, on en rencontre souvent, pour peu que l'on s'aventure dans la «fashion life» de Casablanca. De plus en plus de jeunes qui font ce métier sont bien formés, à l'image de Widyan, un Bac + 4 décroché à HEM et qui exerce, parallèlement, à ses occupations quotidiennes, le métier de ses passions. Aujourd'hui, cette jeune femme est la coqueluche de la société de la haute couture casablancaise. «En général, le métier est mal payé, mais quand on s'y fait un nom, on ne peut pas accepter n'importe quoi», témoigne celle qui a dû faire avec les difficultés des petits défilés et la méfiance de ses parents. En l'absence d'un environnement favorable, la carrière d'un mannequin, à de rares exceptions près, tourne souvent court. «Il n'y a même pas d'agences de mannequins au Maroc. Si les stylistes et les maisons de haute couture ne te connaissent pas, tu peux dire adieu à ton rêve», témoigne Nawal, 21 ans, lauréate de l'Esith, inscrite actuellement dans une école d'ingénieurs mais, avant tout, mannequin. Son bout de carrière a commencé, il y a quelques mois avec la rencontre d'Emael Duque, styliste, photographe et organisatrice de défilés. Avec ses 60 kilos et son 1,75 mètre, elle est vite sélectionnée. Restait le savoir-faire, la technique du défilé. Un problème puisque, au Maroc, il n'y a pas d'écoles de mannequins. Nawal a dû se rabattre sur une copine du Collège la Salle pour apprendre les rudiments du métier et ses ficelles. Autre palier à franchir : faire accepter ses choix à sa famille. «Ce qui n'est toujours pas évident», confesse-t-elle en se disant prête à défiler pour tous les articles, hormis la «lingerie», difficile à arborer, compte tenu de l'environnement culturel. Pour les maillots de bain, cela dépend du professionnalisme du public. Aujourd'hui encore, témoigne-t-elle, «les portes de la plupart des maisons de couture me sont fermées». Entre mannequins, l'on se cache les numéros de téléphone des stylistes et organisateurs de défilés, outils indispensables, pour avancer. En fait, les stylistes comme Najia Abadi , présidente de la Fédération du secteur, sont confrontées au même problème. «Les bons mannequins, on les compte sur les doigts d'une seule main », lâche-t-elle en regrettant, elle aussi, l'absence d'une école de formation qui puisse apprendre à ses filles les techniques du métier. «L'art de boire, de manger, de regarder, de marcher », autant de choses qui, pour elle, sont déterminantes. La personne qui défile doit être entièrement disponible et à la merci du chorégraphe. «Pour trouver des mannequins, il faut remuer ciel et terre», poursuit Mme Abadi. D'ailleurs, beaucoup de stylistes n'hésitent pas à aller puiser dans le vivier parisien où l'offre est aussi abondante que variée. A l'exception des grandes agences comme Metropolitane, l'on s'en tire à bon compte pour 200 à 300 euros par défilé avec, à l'arrivée, «une garantie de bon service ». Ce côté pécuniaire levé, restera toujours pour le mannequin à faire accepter sa vie professionnelle à sa famille. Car souvent, le métier est mal perçu. Il y a quelques mois, une maison de couture qui voulait monter une école de mannequinât s'est vu répondre à l'autre bout du fil qu'une telle école relèverait du proxénétisme. Que gagne-t-on à être mannequin ? Dans les meilleurs des cas, un défilé rapporte entre 1000 et 2000 dirhams à l'homme contre 2000 à 3000 dirhams pour la femme. Les grands défilés traditionnels rapportent jusqu'à 3500 dirhams. A ce titre, les éditions du Caftan demeurent l'objectif à atteindre. A l'inverse des défilés traditionnels, les «simples » rapportent 1500 dirhams. Reste la voie royale du petit écran. L'intermédiation se fait par les agences de casting qui raflent au passage 15 à 20% des salaires. Avec un rôle principal, l'agence de production paie entre 5000 et 7 000 dirhams. Pour la publicité, on gagne entre 1000 et 1500 dirhams et 500 dirhams pour les figurants. «Il y a des gens qui acceptent beaucoup moins ; tout est question de marchandage», explique un jeune mannequin qui cite le nom d'une agence assez connue de la place, basée à Bourgogne et pratiquant des prix dignes des mines de Chine : moins de 200 dirhams pour la figuration. L'absence d'un cadre légal rend les confusions courantes. En France, un article du code du travail étend l'activité de mannequin à toute personne chargée, - soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire. Entre aussi dans cette définition toute personne posant comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image, même si cette activité n'est exercée qu'à titre occasionnel. La participation à un film publicitaire peut néanmoins modifier la qualification juridique de votre activité : de mannequin, vous allez devenir interprète d'un rôle. Qu'importe ce que l'on gagne, il n'est pas donné à tout le monde d'être mannequin. Ou de le rester, car régime alimentaire sévère et contrôle de poids permanents constituent la hantise de ces créatures de rêve. Si vous mesurez moins de 1,75 mètre et que votre tour de taille est supérieur à 36-38, alors jetez l'éponge : vous ne serez pas mannequin. Sauf cas exceptionnel. A Casablanca, il y a à peine 10 mannequins respectant les mensurations imposées à ce métier et payés correctement. Pourtant le dictionnaire français, peu susceptible de sentiment, livre une définition inattendue: « un mannequin est une sorte de bâti très rigide en charpente métallique servant de table d'assemblage et permettant le positionnement pour soudage, ainsi que la limitation des déformations de retrait des charpentes légères fabriquées en série ». Dont acte. Quid des agences de mannequins ? La réglementation française est explicite à propos de l'agence de mannequins. Cette fonction ne peut pas être exercée par des personnes qui exercent, directement ou indirectement, les professions suivantes: - Producteur ou réalisateur d'œuvres cinématographiques ou audiovisuelles - Organisation de cours ou de stages de formation payants pour mannequins ou comédiens - Agence de publicité - Editeur - Organisateur de spectacle - Photographe.