Après avoir été un simple livreur, Youssef Mansouri, 26 ans, a réussi à monter à Nantes sa propre pizzeria. Mais ce joli rêve risque de tourner au cauchemar, le jeune employeur étant menacé d'expulsion. Youssef Mansouri, un Marocain sans-papiers, n'aurait peut-être jamais imaginé qu'il puisse, un jour, devenir employeur. Arrivé à Nantes en 2001 pour continuer ses études, il prenait de temps en temps du service dans une entreprise de pizzas en vue d'«entretenir ses jours». Pendant ce temps, il a fait ses preuves de serveur. Sauf que le simple employé rêvait de devenir employeur. C'est chose faite. Il rachète avec deux associés le fonds de commerce de la pizzeria dans laquelle il officiait. Il n'a pas le statut de gérant, mais c'est lui qui, au quotidien, dirige ses quatre employés depuis trois ans. Bref, le jeune Youssef est arrivé, comme on dit, à «prendre l'ascenseur social», offrant ainsi un joli exemple de l'«immigration positive». Or, ce slogan, très cher au ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, s'est révélé être un simple vœu pieux. L'histoire du jeune Youssef ressemble à un joli rêve qui est en train de tourner au cauchemar. Tout a commencé le 25 juillet dernier, quand Youssef a été interpellé lors d'un contrôle routier. Il savait peut-être ce qu'il risquait depuis le non-renouvellement de sa carte d'étudiant en janvier 2005… En tout cas, il allait l'apprendre auprès du tribunal administratif de Nantes. La décision d'expulsion ne sera pas révocable, pas plus que celle de la préfecture de Nantes, à moins que la société civile française ne se mobilise pour pousser les autorités à reconsidérer son verdict. Elle a d'ailleurs un atout majeur pour appuyer son action, notamment la bonne conduite de Youssef pendant son séjour en France. « La personnalité de Youssef n'est pas en cause », a d'ailleurs reconnu le secrétaire général de la préfecture de Nantes, Fabien Sudy, cité par le quotidien « L'Humanité ». « Mais pour exercer une activité de chef d'entreprise sur notre territoire, il faut être dûment autorisé pour cela. Or, l'intéressé n'a jamais fait de démarche en ce sens, alors qu'il apportait du capital à une entreprise depuis de nombreuses années», ajoute-t-il. Reste que cela n'est pas entendu de la même oreille. « Je ne comprends pas. J'ai fait toutes les démarches à la Chambre de commerce. J'ai payé les charges patronales et personne ne m'a demandé de papiers », objecte Youssef. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a, par ailleurs, exprimé son soutien absolu au jeune employeur dans une lettre au préfet de Loire-Atlantique. « Qu'un entrepreneur, dont la France manque cruellement, issu en outre de la diversité, soit complètement engagé financièrement et socialement dans ses actes d'entreprendre, mérite quand même une attention particulière », clame la Confédération. « J'étais étudiant, c'est vrai, et j'ai raté mes études», admet Youssef. «Mais par contre, j'ai créé une entreprise, j'ai créé des emplois », a fait valoir ce dernier. Soutenu par un organisme syndical, Youssef peut également compter sur l'appui symbolique de sa compagne française Lydia, ainsi que sur la solidarité de ses employés. « Si Youssef était expulsé, cela déstabiliserait toute l'entreprise. Youssef, c'est quand même un meneur, on a besoin de lui, c'est lui le responsable de la pizzeria », explique Yassine, l'un de ses employés. Même son de cloche chez l'élue du cœur : « Une personne qui est intégrée, qui a un travail, qui emploie des gens, qui habite en France depuis plusieurs années, n'a plus besoin de montrer son intégration », a-t-elle plaidé. Reste que les autorités tendent une oreille douce à cette plaidoirie. Il y va de l'avenir du jeune Youssef…