À El Jadida, Brahim, 82 ans, pensionnaire d'une maison de bienfaisance, a tué son compagnon du foyer, handicapé moteur, âgé de 54 ans, à coups de canne. Un acte criminel qui lui a coûté 10 ans de prison dont 6 ferme et 4 avec sursis. Nous sommes à la Cour d'appel d'El Jadida. C'est la première fois qu'un mis en cause octogénaire a été présenté devant les trois magistrats de la chambre criminelle de ce tribunal. « Brahim !», appelle le président de la Cour surpris de voir un vieil homme devant lui au banc des accusés faisant de grands efforts pour bouger. Deux policiers le soutiennent pour qu'il puisse se tenir debout. Les regards des trois magistrats, du représentant du ministère public, du greffier et de l'assistance suivent ses pas alors qu'il se dirige vers le box des accusés. Quel serait son crime ?, se demande l'assistance. Un homme aussi vieux, quel acte criminel aurait-il commis pour être traduit devant la chambre criminelle? « Brahim, âgé de 82 ans…. », dit le président de la Cour en feuilletant le procès-verbal établi par la police judiciaire. «Quatre-vingt-deux ans ? », répète-t-il une seconde fois pour se rassurer de la véracité de l'âge. Brahim qui regarde de temps en temps son avocat, constitué par la Cour dans le cadre de l'assistance judiciaire, se contente de hocher sa tête en signe de consentement. «Tu es accusé de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner, qu'en dis-tu ?», lui demande le président de la Cour. Brahim garde le silence tout en continuant à hocher sa tête. Ses mains tremblent sans arrêt. Il est peut-être atteint de la maladie de parkinson, dit un assistant à son voisin. Il ne semble pas être conscient du fait qu'il risque une lourde peine allant de dix à vingt ans de réclusion criminelle. «As-tu tabassé ton compagnon de chambre ?», lui demande le président de la Cour. Devant son silence, le président de la Cour le somme de répondre aux questions que lui pose la Cour. «Tu as intérêt à répondre pour que la Cour soit au courant de ce qui s'est passé au juste», lui explique le juge qui fait preuve de beaucoup de patience. Selon le procès-verbal, Brahim est un pensionnaire à la maison de bienfaisance à El Jadida. Il était calme, ne créait jamais de problèmes et ne s'intéressait qu'à ses affaires personnelles. Un jour, des opérations d'entretien des locaux de la maison de bienfaisance ont été entamées dans certains de ses foyers. Ce qui a poussé les responsables à conduire quelques pensionnaires vers d'autres foyers jusqu'à la fin des travaux. Parmi ces pensionnaires, il y avait Abdellah qui a été conduit vers le foyer où réside Brahim et un autre pensionnaire. Handicapé moteur, Abdellah ne pouvait se déplacer seul. À chaque fois qu'il désirait aller aux toilettes, il ne cessait d'appeler les pensionnaires ou les responsables pour l'aider. Brahim qui ne prenait pas l'initiative de l'aider s'est plaint aux responsables de la maison de bienfaisance. «Il ne nous laissait pas dormir, il criait toute la nuit…en plus d'une odeur nauséabonde qu'il dégageait de son corps, je ne l'ai pas supporté », affirme Brahim à la Cour. En fait, Brahim a réclamé le transfert d'Abdellah vers un second foyer. En vain. Au fil des jours, Brahim ne pouvait plus retenir ses nerfs. Il est devenu très nerveux. Que devait-il faire ? Comment devait-il réagir ? Il n'en savait rien. Il ne désirait qu'une seule chose : éloigner Abdellah pour que le calme et la tranquillité règnent de nouveau dans son foyer. «Tu avais l'intention de le tuer ?», demande le président de la Cour à Brahim. Non, a-t-il répondu. "J'avais juste l'intention de le corriger pour qu'il se taise, ou pour obliger les responsables de la maison à l'évacuer vers un autre foyer », a-t-il expliqué au juge. Pour cela, Brahim a pris sa canne et lui a asséné plusieurs coups au niveau de sa tête et tout son corps au point qu'Abdellah a perdu connaissance. Ce dernier a été transporté vers l'hôpital Mohammed V dans un état critique. Il meurt le lendemain. «Je ne savais pas qu'il allait mourir», balbutie Brahim devant la Cour qui l'a jugé coupable pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner. Elle l'a condamné à dix ans de prison dont six ferme et le reste avec sursis. Brahim a été conduit de la Cour d'appel à la prison d'où il ne devrait sortir qu'en 2012. Vivra-t-il jusqu'à cette date ?