Pour avoir cru en une promesse d'une situation intéressante en Angleterre, deux jeunes filles casablancaises se sont retrouvées entre les mains de proxénètes à Accra, capitale du Ghana. C'est avec une grande joie que Khadija a retrouvé son pays natal après sa descente d'avion la ramenant de Libye . Domestique de 31 ans, elle travaille, depuis trois ans, chez une famille à Tripoli et regagne la mère patrie à chaque fois qu'elle prend son congé annuel. Alors qu'elle s'apprête à quitter l'aéroport Mohammed V à Casablanca en ce début de février, elle est surprise par une femme, quadragénaire, qui l'a abordée. Khadija, qui avait les mains encombrées de valises, était obligée de s'arrêter. La femme, bien habillée et soigneusement maquillée, l'a embrassée comme si elle la connaissait. Stupéfaite, Khadija n'a rien compris. Elle ne connaît cette dame ni D'Eve ni d'Adan. ? Khadija a du mal à s'expliquer le geste de son interlocutrice. Celle-ci, tout sourire, se présente : « Je m'appelle Aziza et je viens d'arriver de l'Angleterre ». Khadija s'est contentée de la regarder, bouche bée. Aziza qui portait un petit sac noir semble n'avoir pas l'intention de la quitter d'une semelle. «J'ai monté un projet au sud de l'Angleterre», souligne-t-elle tout en épiant la réaction de la passagère. Le nom de l'«Angleterre» et le mot «projet» ont retenti de manière spéciale dans les oreilles de Khadija. Car, en fait, elle ne veut plus être domestique, ni travailler en Libye. Elle rêve d'un autre horizon et d'une situation professionnelle plus intéressante. Du coup, elle s'est intéressée à tout ce que lui racontait Aziza. « Je peux t'aider à t'installer en Angleterre et à y trouver un boulot bien rémunére et moins fatigant », a-t-elle ajouté. Cette phrase a plongé Khadija dans un monde de rêve et de volupté. Son ambition est en train de se réaliser. “Je suis vraiment chanceuse“, se dit-elle, contente. Avant de se séparer, les deux femmes se sont échangées les numéros de leurs téléphones portables. Khadija qui a pris un grand taxi, puis un petit taxi pour se rendre chez elle dans l'ancienne médina n'a pas résisté à l'envie de raconter à sa mère l'histoire de sa rencontre avec Aziza. La mère qui a estimé qu'il s'agit d'une occasion à ne pas rater a demandé à sa fille de l'inviter à déjeuner à la maison. Chose que Khadija fera avec enthousiasme. Autour de la table, Khadija et sa mère étaient émerveillées par une Aziza qui leur racontait ses aventures en Angleterre et les efforts qu'elle a déployés pour devenir une femme d'affaires prospère. Dans la foulée, cette dernière explique que la domestique de la Libye peut, elle aussi, devenir riche comme elle à condition qu'on lui donne pour commencer la somme de 5.000 Dh pour effectuer quelques procédures administratives. L'invitée fera une autre demande : lui trouver une jeune fille ambitieuse comme Khadija pour qu'elles voyagent ensemble en Angleterre. Demande satisfaite. Ce sera sa copine Malika qui, à son tour, a versé la même somme d'argent à cette femme étonnante. La date du voyage a été fixée. Khadija et Malika, très contentes, ont pris en charge leurs propres billets d'avion, ainsi que celui d'Aziza. Mais pour un autre trajet sur le conseil de cette dernière : Casablanca- Accra (capitale du Ghana). Pourquoi? Aziza leur a expliqué qu'elles doivent d'abord se rendre dans ce pays africain avant d'aller vers Londres. «Avant d'arriver au Ghana, l'avion va faire escale en Libye», ajoute-t-elle. Tout cela commence à devenir bizarre. En effet, Aziza n'a jamais parlé de cet itinéraire auparavant . “ Faîtes-moi confiance, tout va bien se passer “, lance l'organisatrice du voyage à ses deux compères. Après trois heures de vol, l'avion fait effectivement escale en Libye. Après quoi, il a atterri dans la capitale de Ghana. Accueillies par un subsaharien, les deux filles sont restées stupéfaites devant Aziza qui les a convaincues qu'elles doivent séjourner à Accra durant quelques jours avant de regagner l'Angleterre. Croyant à ses paroles, elles ont accompagné leur guide jusqu'à une maison délabrée. De là, elles ont été conduites, deux jours plus tard, vers une boîte de nuit. Aziza qui n'a plus donné signe de vie est retournée à Casablanca. Khadija et Malika se sont retrouvées obligées de devenir des entraîneuses et des filles de joies dans une boîte de nuit. Un mois plus tard, une femme a téléphoné à la mère de Khadija. « Ta fille est très heureuse en Angleterre, je vais te la passer », lui dit-elle. Cependant, en parlant à sa mère, Khadija a craqué, elle a éclaté en sanglots, expliquant à sa mère qu'elle a été trompée par Aziza qui les a mises entre les griffes de proxénètes et que l'Angleterre n'était qu'un gros mensonge. Pour avoir été cupide, elle, et sa mère , Khadija a tout perdu, son honneur de fille sérieuse et son travail en Libye pour se retrouver dans un monde infernal. Sans hésitation, la mère s'est dépêchée au commissariat de police à Sour Jdid, dans l'ancienne médina pour déposer plainte. Aziza, 57 ans, sera arrêtée, au début du mois courant, sur le boulevard Bordeaux et a été traduite devant la justice. Mais le sort de Khadija et Malika reste encore incertain puisqu'elles sont encore au Ghana où elles sont exploitées dans l'industrie locale du sexe.