Omar Tazi, président de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP), monte au créneau pour dénoncer le blocage dont souffre le projet du Code de la pharmacie. Entretien. ALM : Vous venez d'organiser une conférence de presse pour parler du blocage du Code de la pharmacie et de ses répercussions sur l'accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis. Vous dites également que ce retard est préjudiciable à l'industrie pharmaceutique marocaine… Omar Tazi : C'est pire que cela ! Vous savez, cela fait plus de 10 ans que nous débattions de la libéralisation des capitaux de ce secteur. En effet, c'est l'article 9 du Code de la pharmacie qui nous gêne le plus. D'ailleurs, nous avons exprimé notre souhait pour changer les dispositions prévues par cet article dans les plus brefs délais, dans l'attente de revoir l'ensemble des articles du Code de la pharmacie. Dans ce sens, nous avons multiplié les contacts avec le ministère de la Santé ainsi qu'avec le Premier ministre. Que stipule au juste l'article 9 ? Ce secteur est encore géré par une loi archaïque. En effet, le Dahir daté de 1960 stipule que 51 % du capital d'une entreprise pharmaceutique doivent être détenus par des pharmaciens dont 26 % doivent être autorisés à exercer au Maroc. Maintenant que les investisseurs étrangers vont commencer à affluer, on ne va pas leur demander de mettre leurs actions au nom d'un pharmacien ! Il est urgent de revoir cet article pour être conforme à cette volonté du Maroc pour devenir un marché libre. On signe des accords de libre-échange avec les uns et les autres, on est en train d'opérer les ouvertures sur l'extérieur sans pour autant supprimer certaines aberrations. Quelles sont ces aberrations ? Elles concernent aussi bien les investisseurs nationaux qu'étrangers. Vous savez, l'industrie pharmaceutique nécessite des capitaux colossaux. C'est une affaire de centaine de millions de dirhams. Pour que les nationaux puissent investir dans ce secteur, ils ont besoin de ressources financières puisées dans des banques, des institutionnels… Mais, la loi toujours en vigueur s'oppose à cela. Pour les étrangers, on ne sait pas encore quoi leur dire! Ils vont finir par plier bagage ! Une délégation d'investisseurs américains se rendra au Maroc à partir de la semaine prochaine pour prospecter le marché pharmaceutique national. À votre avis, quelle sera la réaction de cette délégation ? Les Américains sont des investisseurs qui ont de gros moyens. S'ils trouvent que le Maroc n'est pas encore prêt, ils iront voir ailleurs, en l'occurrence l'Egypte et la Jordanie. Le marché américain représente, à lui seul, 50% du marché international. Cet accord est une aubaine pour le pays. Vous savez, le Maroc est le seul pays au monde qui continue à exiger des restrictions de capitaux dans ce domaine. Nous sommes encore gérés par une loi qui a près d'un demi-siècle. On ne viendra pas dans les conditions actuelles. Chaque investisseur réalise une étude détaillée (code d'investissement, lois…) avant d'investir. Et pourtant le Maroc a des capacités : il est classé zone Euro. Comment expliquez-vous ce retard qu'a connu le Code de la pharmacie ? Le Code de la pharmacie devait être prêt fin 2005, avant l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis. C'est d'ailleurs, une promesse que le ministre de la Santé nous a faite à l'AMIP. Mais les choses ont été bloquées au niveau du Parlement. C'est ainsi que j'ai découvert sur les colonnes de la presse nationale que la commission chargée des affaires sociales a reporté à une date ultérieure le vote. Et c'est ce report-là, sans précision de date fixe, qui a suscité la fureur des industriels. Nous interpellons encore une fois le gouvernement. Nous tenons à savoir quels sont au juste les intérêts que les parlementaires veulent défendre et pourquoi cette commission a retardé le vote de ce Code. Cette démarche est importante pour la nation. Je suis prêt à expliquer, en long et en large, aux parlementaires les risques de ce blocage. La mise en vente d'un seul produit marocain aux Etats-Unis rapportera l'équivalent des chiffres d'affaire de nos sociétés réunis. Pensez-vous que l'industrie nationale a les moyens d'envahir le marché américain ? Notre industrie tiendra ! Les Américains sont déjà au Maroc et ils commercialisent leurs produits. Il faut juste produire des médicaments à grande série. Pour les petites séries, les coûts sont plus élevés. En effet, ce que nous craignons, ce ne sont pas les Américains, mais les Chinois et les Indiens. Dans ce sens, il faut prévoir des garde-fous et mettre sur pied une agence du médicament pour contrôler la qualité des produits. Que comptez-vous faire en cas du maintien de ce blocage ? Je serais encore plus véhément ! On organisera une autre conférence de presse pour rendre publique la réaction officielle de l'AMIP.