Entretien avec Ricardo Mourinho Félix, vice-président de la BEI Rencontré à Fès après sa conférence, lundi, à l'université Euromed, le vice-président de la BEI révèle la manière dont cette structure accorde des financements aux différents projets climatiques. M. Mourinho s'exprime également sur la nature des projets que cette banque peut financer. L'occasion aussi de l'interroger sur l'action de la BEI en faveur de la problématique de l'eau. ALM : Pourriez-vous nous donner une idée sur les projets marocains que vous envisagez de financer au cours des prochaines années en matière de climat? Ricardo Mourinho Félix : Ce que nous voyons au Maroc ce n'est pas seulement le climat. Par exemple, avec Masen (Agence marocaine pour l'énergie durable), nous cherchons la faisabilité de l'hydrogène vert dans des projets offshore flottants au Maroc avec une énergie éolienne au milieu et dans la profondeur de l'océan. Ce qui est plus efficace parce que les vents sont plus stables tant qu'on s'éloigne du littoral. Cela sera plus un investissement plus innovant au Maroc. Nous voyons également l'efficacité énergétique et la manière de l'améliorer. L'énergie la moins chère que vous avez est celle que vous n'avez même pas besoin de produire, voire beaucoup moins chère que les énergies renouvelables parce que vous n'avez pas besoin de produire, de gaspiller de l'énergie. Celle-ci peut être utilisée de manière plus efficace pour la production. Nous voyons aussi l'approvisionnement décentralisé de l'énergie via des types de panneaux solaires installés sur les toits que chaque individu pourrait avoir pour s'approvisionner. Cela dépend évidemment de la réglementation. Au Maroc, nous sommes très engagés dans l'objectif des 52% d'énergie renouvelable d'ici 2030. Mais qu'en est-il des montants que vous envisagez de débloquer au Maroc ? Pourriez-vous nous donner un chiffre ? Nous n'avons pas des objectifs cibles pour les montants par pays. Nous voyons les projets et nous en évaluons la qualité comme nous les concordons avec les priorités. C'est comme ça que nous déterminons quel projet financer. Evidemment, il y a des ressources limitées et nous avons besoin de prendre des décisions et voir la manière dont nous accordons ces ressources. En fait, le climat est une priorité mais cela devient aussi un objectif horizontal. Mais évidemment, le climat et la résilience font partie de notre évaluation du projet. Nous allons aussi financer des programmes scolaires au Maroc. Et évidemment le climat et la résilience feront partie de cette évaluation. C'est pour dire que le monde n'est plus divisé entre un projet climatique et un autre qui ne l'est pas. C'est plus question d'atténuation qui a besoin de production de plus d'énergie renouvelable. Plus d'efficacité énergétique c'est aussi une question de mieux utiliser l'énergie renouvelable avec adaptation. L'adaptation veut dire que toute infrastructure doit être résiliente. C'est une nouvelle manière de voir les projets. Dans tous nos projets, nous évaluons l'action climatique même s'il s'agit d'un projet de centre médical ou d'une école. A part les projets se rapportant au climat, comptez-vous en financer d'autres ? La réponse courte est oui. Nous discutons avec les autorités, d'ailleurs j'ai rencontré le chef de gouvernement mardi et les banques marocaines à propos de programmes scolaires et de l'eau entre autres. Ce qui n'est pas exclusivement climatique, c'est plus à propos de l'environnement. Et quand nous parlons d'océans propres, de gestion de déchets et de l'eau, ce n'est pas nécessairement climatique mais environnemental et ils sont étroitement liés. Et quel serait votre engagement en matière de stress hydrique surtout que SM le Roi a tout récemment abordé cette problématique lors de son dernier discours au Parlement ? L'eau devient de plus en plus un problème non seulement au Maroc mais aussi dans la Méditerranée où nous avons été l'objet de sécheresse sévère dans les dernières années. Et assurément nous avons besoin de mieux utiliser l'eau que nous avons. Et c'est aussi une autre question liée à l'efficacité. De plus, la Banque européenne d'investissement a beaucoup d'expérience dans le secteur de l'eau. Elle a beaucoup fait dans plusieurs pays y compris dans le mien, le Portugal. Elle travaille aussi avec la société en charge de l'eau au Maroc pour justement augmenter l'efficacité du système de l'eau. Evidemment, il existe des technologies comme le dessalement qui peut être pris en considération. Et SM le Roi est judicieusement préoccupé par un sujet qui est absolument critique non seulement dans le bassin méditerranéen et au Maroc mais aussi dans des pays européens du sud qui font face à des problèmes similaires.