Le réalisateur syrien, Mohammed Malas, a remporté samedi soir à Marrakech, le prix du jury ex aequo pour son film «Bab El Makam». Dans cet entretien, il livre son avis sur la cinquième édition du FIFM et sur cette consécration. Entretien. ALM : Vous venez de recevoir le prix du jury ex aequo pour votre long métrage Bab El Makam. Comment avez-vous accueilli ce prix ? Mohammed Malas : Je suis très heureux d'avoir été primé pour ce film qui décrit les contrastes de la société syrienne. Je suis reconnaissant à ce festival de m'avoir donné l'occasion de rencontrer une palette d'artistes internationaux que j'admire et que je respecte. Je parle ici des noms illustres comme celui de Martin Scorcese et de Abbas Kiarostami. Vous avez assisté à toutes les festivités du 5ème FIFM. Quelles sont vos impressions sur cette édition ? Avant de venir à Marrakech, je ne connaissais pas ce festival. Je me suis rendu compte une fois sur place que cet évènement ambitionne d'être le festival le plus important du monde arabe. La différence au niveau de l'organisation est de taille. J'ai participé à d'autres festivals arabes et je peux vous assurer que l'organisation du festival de Marrakech est infaillible. La sélection des films en compétition est également de haut niveau. Nous avons vu des films de très bonne qualité, c'était une véritable découverte que d'assister à des projections de films de réalisateurs inconnus. Les films projetés avaient chacun un cachet spécial. Votre film «Bab El Makam» se termine par l'assassinat d'une passionnée d'Oum Keltoum. Pourquoi avoir choisi un destin tragique pour ce personnage ? Si jamais la réalité dure de la société syrienne change, on pourra alors me demander de réaliser des films moins durs. La société syrienne a perdu plusieurs valeurs et s'accroche à des traditions qui peuvent paraître parfois inhumaines. C'est par rapport à ce constat que j'ai voulu réagir en racontant l'histoire d'une femme qui sera assassinée par son entourage familial à cause du simple fait qu'elle est une grande amoureuse d'Oum Keltoum et qu'elle chantait ses chansons en public. C'est vrai qu'il n'ya pas que des histoires pessimistes en Syrie, mais c'était un choix de ma part. J'ai voulu en effet montrer cette facette de notre société. Mais j'aimerais préciser que ce qui m'intéresse dans ce film, ce n'est pas le crime d'honneur mais c'est surtout un autre message que j'ai voulu véhiculer. J'ai voulu en gros évoquer à travers le personnage principal que lorsque l' on met des démocrates pendant des années en prison, on construit une société qui tue une femme pour le simple fait qu'elle chante. Quelle est la séquence du film que vous appréciez le plus ? La séquence la plus représentative dans le film est lorsque Iman, le personnage principal parle à elle même devant le miroir. Elle déclare: «Est-ce ma voix, est-ce mon visage, 2 ans, 1 enfant, deux enfants, et mon mari noyé dans les infos, je sens que je suis fautive car je vis et je ne sais pas si mon frère vit en prison». Cette scène est plus proche d'un style cinématographique que j'aime. Un cinéma engagé. Quel est l'état aujourd'hui du cinéma syrien dont vous êtes l'un des représentants ? Depuis 35 ans, le cinéma syrien piétine. Il n'avance pas. Notre cinéma garde toujours la place d'antan. C'est un secteur qui est géré uniquement par l'état. Ce qui fait que l'on ne produit qu'un film et demi par an. C'est une situation désastreuse. Le secteur privé n'investit pas dans le cinéma et c'est dommage. C'est cette même situation qui pousse certains réalisateurs dont je fais partie, à se diriger vers la production étrangère. Les cinéastes syriens n'ont pas changé cet état de fait depuis 35 ans maintenant. Les propositions et les idées que nous avons soumises à l'état sont restées lettre morte. Les salles se dégradent, on n'exporte plus de films et nous avons perdu près de 90% du public cinéphile. Voilà l'état lamentable où se trouve le cinéma syrien.