L'Administration Bush a débusqué les armes de destruction massive dans un trou au fond de Tikrit : Saddam Husseïn lui-même. Des armes usées qui ont déjà servi à faire des millions de victimes, à détruire le peuple irakien et sa civilisation et ajouté à l'humiliation arabe. C'est l'image, en plan rapproché, la plus violente qui s'est offerte au regard des téléspectateurs du monde entier ce dimanche 14 décembre 2003. Un Saddam Hussein en état de captivité, barbe et cheveux hirsutes, l'air hébété, le regard hagard. La mise en scène est diabolique. Des mains gantées, probablement d'un agent américain, ouvrant la bouche de l'ex-président irakien déchu pour examiner la cavité buccale du captif à l'aide d'une lampe-torche. Ce sont les mêmes gestes esquissés dans un marché du bétail lorsque l'on veut acheter une bête pour s'assurer de sa bonne santé. Saddam Husseïn ainsi traité a cessé d'être un être humain aux yeux des Américains. Il n'est plus pour eux qu'un animal sauvage et néanmoins précieux pris au terme d'une longue et harassante chasse. Il ne manquait plus pour compléter le décor qu'à le montrer dans une énorme cage, la gueule enfermée dans une muselière. Cette image extrêmement humiliante pour l'intéressé a choqué beaucoup de gens dans le monde. Du coup, on se demandait si c'est celui-là le président irakien qui a tenu tête aux Américains à la grande fierté des peuples arabes jusqu'à la chute de son régime en mai dernier ? Ce n'est pas possible qu'un homme qui a passé pendant plus d'une décennie pour un héros aux yeux de l'opinion arabe finisse comme un vulgaire voleur de poules. Tel est le sentiment dominant dans la rue arabe, entre incrédulité et désillusion. Les chefs d'État arabes qui ont forgé leur autorité sur la dictature et la répression de leurs peuples ont des soucis à se faire. Ils risquent eux aussi non seulement d'être chassés du pouvoir mais d'être traités comme des bêtes sauvages. Sans même la possibilité d'un exil doré pour jouir des milliards de dollars qu'ils auront amassé grâce aux détournements des deniers publics et autre exploitation éhontée des richesses de leurs pays. Au-delà de ce message que comporte le spectacle médiatique de la capture de Saddam Husseïn, le dictateur honni et diabolisé par Washington restera dans les annales comme le sanguinaire qui a détruit la nation irakienne et humilié le monde arabe. Pas seulement. L'Histoire retiendra le nom de Saddam comme celui qui a offert l'Irak sur un plateau aux Etats-Unis. C'est le résultat qui compte. Mais qui est vraiment Saddam Husseïn au vu de ce grand résultat pour l'Oncle Sam ? En tout cas, il est loisible de remarquer avec le recul que l'ex-président irakien aura dans chacun de ses actes téméraires et dans chacune de ses opérations meurtrières fait le jeu de la Maison-Blanche. Avec la bénédiction de l'Occident et des États-Unis en particulier qui l'ont doté d'armes sophistiquées y compris chimiques, n'a-t-il pas lancé en 1980 ses troupes contre la nouvelle Iran islamiste de Khomeïny? À cette époque-là, Saddam était fréquentable malgré son mépris de la démocratie et des droits de l'Homme . Dix ans plus tard, le même Saddam s'enhardit d'envahir le Koweït sur un coup de tête qui ressemble à une manipulation diabolique de ses maîtres de Washington. L'ancien chef de Bagdad est un homme fruste et entêté dépourvu de toute jugeote politique. Un profil facile à manipuler et à diriger comme un pantin. Quand il s'embarque dans une entreprise même suicidaire, il est difficile de lui faire changer d'avis. C'est ce qui arriva au Koweït. On savait d'avance qu'il ne retirerait pas son armée de ce pays. Ce qui justifia l'intervention américaine pour sa libération. Cette guerre aura permis in fine aux Américains de s'installer dans le Golfe. Grâce à qui ? Grâce à Saddam Husseïn. C'est le résultat qui compte. Tout porte à croire que cette machine à tuer qu'est Saddam, loin d'ailleurs d'être représentative de la civilisation irakienne, a été fabriquée et instrumentalisée par les Américains pour servir leurs intérêts géostratégiques et contrôler une région riche en pétrole. Le problème c'est que Saddam Husseïn s'est pris trop au sérieux, pensant qu'il incarne le nouveau Saladin par qui le retour de la gloire perdue des Arabes va arriver. C'est la méthode Coué. Tout à sa folie des grandeurs, il a oublié qu'il a été aidé à prendre le pouvoir en Irak pour mettre juste en musique avec son consentement ou à son insu les plans américains dans la région dont il est devenu un grand épouvantail . Et puis, le monde a changé avec la chute du Mur de Berlin en 1989. Mais pas Saddam Husseïn qui à force d'être gonflé à bloc et adulé par l'Occident se vivait toujours en héros. En un mot, il n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre qu'il a fait son temps et qu'il doit quitter le pouvoir conformément à la volonté de la toute puissance américaine. Mais comme il est prévisible pour les stratèges de Washington, ces derniers savaient d'avance qu'il n'obtempérerait pas et qu'il justifierait par son tempérament l'invasion de l'Irak sous prétexte que le régime irakien possède des armes de destruction massive. À y regarder de plus près, l'Administration Bush a débusqué ces dernières dans un trou au fond de Tikrit : Saddam Husseïn lui-même. Des armes usées qui ont déjà servi à détruire le peuple irakien et sa civilisation et ajouté à l'humiliation arabe. Notons aussi que l'ex-dictateur de Bagdad a été utilisé jusqu'au bout. En devenant prisonnier, il a aidé Georges W.Bush au plus bas dans les sondages à remonter dans l'estime de son opinion publique et partant à lui ouvrir la voie pour un second mandat… Bravo Saddam !