Depuis deux ans, l'Europe prospère propose à ses voisins de la rive sud de la Méditerranée d'installer sur leur territoire, des centres de tri d'immigrés clandestins venus de tout horizon et spécialement de l'Afrique subsaharienne. Devenue un incontournable argument électoral, le thème de l'immigration clandestine agite les foules de Paris à Madrid. L'idée qui prévaut aujourd'hui est de maintenir ces clandestins, en captivité, hors des frontières de l'Europe. Car, juridiquement, une fois dans le Vieux Continent, leur expulsion devient problématique. Seule manière de déjouer les entraves légales, proposer au Maghreb de jouer le rôle de janissaire comme dans la Turquie ottomane et de construire des asiles sur son sol, en échange de quelques millions d'euros. La droite italienne au pouvoir a fait miroiter à la Libye des promesses. En vain. L'Algérie qui constitue un important point de transit de l'immigration malienne et ouest africaine, a elle aussi décliné l'offre. La petite Suisse avait auparavant proposé au président Wade, dès le lendemain de son arrivée au pouvoir, d'en faire de même, en installant au Sénégal des camps pour accueillir les demandeurs d'asile voulant franchir le territoire helvétique. Devant le tollé qu'une telle proposition a suscité dans toute l'Afrique, le Sénégal a fait marche arrière. Aujourd'hui, c'est au tour du Maroc de subir la pression pour maintenir sur son sol ces hordes indésirables, au nom de la quiétude de l'Europe. Après la Hollande où l'extrême droite imaginait des barges flottantes sur l'Océan, voilà que l'Espagne qui a déjà ouvert des centres sur Sebta et Mellilia, en terre marocaine, somme son voisin maghrébin de déplacer encore plus au sud ces hommes en détresse. Une telle solution résoudrait-elle le problème de l'immigration clandestine ? L'exemple du camp de Sangatte n'est pas loin. Fermé définitivement, ce centre situé dans le Pas-de-Calais est devenu rapidement un lieu de transit vers l'eldorado britannique. Loin de résoudre le problème, Sangatte avait fait en quelques années la fortune des réseaux de passeurs. Un appel d'air qui a entretenu un trafic de toutes sortes entre deux nations qui se disputent la primauté en matière de démocratie et de droits de l'Homme. Si, comme le disait un diplomate africain, la France et la Grande-Bretagne n'ont pas pu gérer un centre de réfugié, ce n'est pas le Maroc qui y arrivera. Les dernières propositions faites par l'Europe au Royaume chérifien semblent à s'y méprendre à un moyen de transfert du problème de l'Europe vers le Maroc. En Espagne où l'on promet de fermer des centres pour décourager les clandestins, des médias s'étonnent que le Maroc n'accepte pas la requête du HCR, à savoir ouvrir des centres sur son sol. «C'est à l'Europe de réfléchir, de coopérer et de ne pas simplement externaliser les responsabilités qui sont les siennes sur un phénomène d'envergure qui touche des milliers de jeunes, femmes et hommes qui parcourent des milliers de kilomètres durant des mois, voire des années" à la recherche de l'Eldorado, a insisté Taieb Fassi Fihri, mercredi, du haut de la tribune du Parlement européen à Strasbourg. Un appel qui sera sans doute réitéré lors de cette future conférence Europe-Afrique sur l'immigration.