Dans ses festivals de musique, comme dans son industrie cinématographique, le Maroc souffre d'un manque d'ingénieurs de son, une denrée très rare alors que le pays en a besoin. En attendant, on fait appel aux étrangers. Remarquablement bien organisé, le festival de Casablanca l'aura bel et bien été. Sur tous les plans. Les événements qui auront attiré le plus de foules restent les concerts de musique, réussis tant par la haute qualité des artistes présents que par le professionnalisme des équipes qui ont veillé à leur réussite. Cheville ouvrière de ces concerts, les ingénieurs de son. Ceux-là avaient la particularité, dans un décor sans cesse renouvelé, d'être des étrangers, plus précisément des Français. Du sélect Musiques sacrées de Fès à l'underground Boulevard des jeunes musiciens en passant par le très populaire Gnaoua d'Essaouira comme dans tous les autres festivals, le réflexe est le même. Si dans l'absolu, il n'y a aucun mal à faire appel à des compétences étrangères pour garantir la pleine réussite d'un événement, force est de s'alarmer quant à l'absence totale d'ingénieurs marocains de son. «Il n'y en a pas tout simplement» est la seule réponse obtenue à la question sur cette absence. Ce manque qui se fait ressentir en spectacles de musique, mais aussi et surtout au cinéma, secteur en pleine effervescence où ce profil fait cruellement défaut. Côté CCM, on affirme qu'aucun vrai ingénieur de son marocain n'existe au pays. «Tout ce qu'il y a, c'est des preneurs de son, des recorders. La raison est bien simple, il n'existe pas de formation de ce genre, et qui est d'un bac+7, au Maroc ». Outre la haute technicité, ce métier fait obligatoirement appel à la maîtrise de la musique, de ses gammes et ses notes. Et les rares Marocains qui ont réussi à se former sous d'autres cieux, en France ou au Canada, face aux rémunérations chichement valorisées qu'ils touchaient, plié bagage pour l'étranger. D'autres, formés sur le tas, arrivent difficilement à décrocher des postes mineurs dans des productions étrangères. A moins d'un vrai diplôme, ils ne peuvent pas faire valoir leurs compétences, quand ils en ont. Ce qui explique largement le recours tant des Marocains que des étrangers qui tournent au Maroc à des compétences venues d'ailleurs. D'autant que l'utilisation de certaines technologies, comme le Stéréo ou le Dolby, des marques déposées, implique forcément d'ingénieurs des mêmes labels. «C'est une question de contrat». Ce manque se traduit par un besoin qui, à défaut d'être comblé par une formation reconnue dans des écoles de l'Etat, est en train d'être colmaté par des initiatives privées comme celle du cinéaste Mohamed Asli. Ayant brillé par son premier long-métrage «Les Anges ne volent pas à Casablanca», Mohamed Asli est également le fondateur du Centre de formation euro-méditerranéen de Ouarzazate, dédié aux métiers du cinéma et qui a pour objectif de combler un tant soit peu le déficit enregistré en la matière. «Nous avons toujours manqué d'ingénieurs de son au Maroc. Et les étrangers auxquels nous faisons appel représentent une double contrainte. Au coût élevé de leurs prestations s'ajoute leur non maîtrise du marocain. Ils ne peuvent donc pas intervenir sur plusieurs aspects notamment la phonétique et la tonalité des dialogues qui sont réduits pour eux à du bruit. Plus qu'une technicité, des ingénieurs marocains de son sont une nécessité», déclare le cinéaste. Et c'est partant de ce constat qu'Asli a mis en place une formation de deux ans en ingénierie du son. Cinq ingénieurs, dont la formation est presque achevée et qui exercent déjà comme preneurs de son, devront être opérationnels dans les quelques mois à venir. Chacun a la particularité de maîtriser un aspect lié à ce métier (mixage, musique…). Tous ont en commun la volonté de travailler en équipe. Mais en cinéma et en musique comme dans bien d'autres secteurs, les vieux réflexes auront sans doute la vie dure.