«Au Maroc, 80% des décès sont dus aux maladies non communicables, notamment le cancer». Le chiffre est précisé, samedi dernier, par Pr David Khayat, oncologue français, lors de la 2ème conférence internationale sur les addictions et pathologies associées initiée en ligne par Aphorisme, MAPA (société de médecine addictive et pathologies associées) et Orion médias. Pour lui, ces maladies sont dues à des comportements de vie, plus particulièrement la prévalence de la cigarette. Afin de surmonter ces états de santé, il recommande, tout comme d'autres experts participants, une réduction des risques. Une 3ème voie préconisée «Il faut une troisième voie appelée réduction des risques», estime le Pr qui établit, par l'occasion, une comparaison avec le cancer de colon développé par la grande consommation de viandes ou de charcuterie contrairement à un régime alimentaire à base de poissons. A propos de la cigarette, il explicite que «plus on fume longtemps, quelle que soit la quantité, il y a un risque de développer un cancer des poumons». En d'autres termes, c'est la dose, la durée et la susceptibilité génomique qui sont responsables de cette pathologie. «Cependant, seulement 8% des fumeurs vont développer un cancer des poumons», avance-t-il. Quelles solutions alors? Il faut, au sens du Pr Khayat, «éliminer les carcinogènes, utiliser les anti-carcinogènes et réduire l'exposition aux carcinogènes tout en détectant les susceptibilités génomiques». Au Maroc, le tabagisme est, comme le précise l'expert, la première cause de risque de développer un cancer et ce de 1990 à 2019. Pour lui, «la prise de vitamine C ou du calcium réduit complètement le risque des cancérigènes». «Aussi le vaccin est un antipoison», enchaîne l'oncologue qui indique également que «tant que le tabac est chauffé à plus de 350°, il devient cancérigène». «La meilleure solution serait d'arrêter de fumer», lance-t-il en rappelant que 64% des fumeurs diagnostiqués au cancer continuent, selon une étude, à fumer. «Une autre étude de la FDA (l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) a démontré, en juillet 2020, que les IQOS (tabac chauffé) réduisent l'exposition aux cancérigènes», ajoute le spécialiste qui réitère l'idéal d'éliminer le tabagisme. «Mais ce n'est pas possible», tranche-t-il en appelant à l'éducation et la prévention. «Il faut arrêter de brûler le tabac et préférer la cigarette électronique», considère-t-il en rappelant que 7.000 fumeurs, en France, ont arrêté de fumer sur 5 ans grâce à la cigarette électronique. «La nicotine est un excitant mais elle n'est pas cancérigène. C'est la fumée qui donne le cancer», clarifie-t-il en appelant par l'occasion à réduire le sucre. De son côté, Pr Christelle Haziza, directrice Health Science and Biostatistics chez Philip Morris International, met en avant le THS (traitement hormonal substitutif). «C'est comme arrêter de fumer», indique-t-elle à propos de ce traitement. Pour elle, les fumeurs sont souvent «stigmatisés». «Il faut les aider», poursuit-elle. Covid versus tabagisme et diabète Egalement de la partie, Pr Wiam El Khattabi, pneumologue, précise, selon une étude, que jusqu'à «18,5% des patients Covid hospitalisés dans le monde sont fumeurs». En cas de tabagisme, la progression de pneumonie est, comme elle le détaille, multipliée par 14. Aussi, la Covid est 5 fois plus fréquente chez les fumeurs de cigarettes et 7 fois plus fréquente chez ceux qui fument la cigarette et la clope électronique. «En France, 27% des fumeurs déclarent avoir augmenté en mars 2020 leur consommation de tabac», ajoute-t-elle. Pour sa part, Pr Majida Zahraoui, professeur en médecine interne, pathologies infectieuses et médecine tropicale, aborde du diabète pendant la pandémie en invitant notamment à «baisser la glycémie». Mais quid de l'addiction ? Le sucre étudié depuis 4 ans seulement Selon Dr Imane Kendili, psychiatre addictologue, l'addiction est «créée par certains comportements». Le médecin, qui rappelle que les environnements marocain et maghrébin sont sucrés, estime que «la consommation et la façon d'être se font avant 6 ans». Dans ce sens, elle conduit l'exemple de l'enfant qui dort mal lorsqu'il prend, avant de se coucher, le sucre qui est un excitant. «Dans la dépendance, le plaisir devient un besoin. Le sucre est encore plus addictif que la cocaïne», enchaîne-t-elle en s'appuyant sur une étude. Quand bien même, le sucre est, comme elle l'indique, «étudié depuis 4 ans seulement». «Quand on a l'habitude de se récompenser, le plaisir est ritualisé», enchaîne-t-elle en rappelant que le sucre est plus addictif chez la femme. Quant au rôle médical, il contribue à «prendre conscience de ce que l'on mange». En termes de réduction des risques, elle estime qu'il y a «une bataille et un réel combat dans les pays arabes et en Afrique». «Il y a un gros travail à faire au Maroc», poursuit-elle en s'exprimant sur le rôle des parents. «Traditionnellement, on avait quelque chose de beau», évoque-t-elle à propos des valeurs familiales en combinant l'addiction au sucre à celle des tablettes et leur impact sur la construction du cerveau. «Le problème dans l'addiction au sucre, c'est qu'il n'y a pas de plaisir à manger. C'est un shoot pour se sentir mieux. Entre 18h et 21h, c'est le moment difficile», explique-t-elle. Pour surmonter ce besoin, elle fait valoir «une psycho-éducation alimentaire et une prise en charge dans le cadre d'une thérapie de groupes». Pour les enfants, elle parle même de «giflothérapie» en allusion à ceux qui préfèrent abuser des produits sucrés. «Il faut occuper l'enfant ne serait-ce qu'en l'incitant à aider dans les tâches ménagères», conclut-elle.