La visite d'Ariel Sharon à Washington suscite beaucoup de commentaires. Le Premier ministre israélien y est allé rencontrer le lobby juif américain. C'est ainsi que le journaliste Alouf Ben a annoncé la visite inhabituelle de Sharon : «Une visite juive» est le titre de son analyse dans le journal “Haaretz”. Depuis dimanche dernier, son voyage aux Etats-Unis a eu un thème juif, principalement, en sa qualité d'hôte du lobby officiel pro-israélien. Sharon ne rencontrera ni le président Bush ni le secrétaire d'Etat Condolezza Rice. Mais un autre événement « non juif » est la rencontre avec les dirigeants des directions évangélistes amis déclarés d'Israël. Le conseiller spécial de Sharon pour les Affaires américaines, Dov Weisglass, ne se joint qu'à la seconde partie du séjour, dont l'organisation relève de la conseillère pour les relations avec les diaspora, Mérav Katriel, qui s'éloigne des médias. Pour le lobby EPAC, hôte de cette visite, la visite aurait dû avoir lieu depuis longtemps. Car, rappelle Alouf Ben, la dernière apparition de Sharon devant un public juif, à New York, remonte à février 2002. Depuis, toutes les visites avaient été annulées, en raison des événements divers. En effet, ces reports avaient donné lieu à des rumeurs sur des ennuis de santé de Sharon, ou à des négligences dans les affaires juives. En réalité, confirme Alouf Ben, Sharon a montré plus que de l'intérêt, de l'enthousiasme pour des rapports avec la communauté américaine, institution officielle dans ce pays « communautaire ». Sharon y compte, de plus, de nombreux amis très riches. Pourtant, il n'a pas essayé, tout au long de sa carrière politique, de nouer des relations avec les leaders de la communauté américaine. Lors de la nouvelle visite, Sharon a eu deux objectifs : mobiliser le soutien de la direction des organisations juives à son plan de désengagement de Gaza et renforcer leurs relations avec son pays. Le renforcement de la « base de soutien » par les Juifs et les évangélistes, lui est également important dans l'hypothèse d'une confrontation avec l'administration au lendemain du retrait de Gaza. Il ne faut pas omettre, en arrière-plan, la proximité des élections à la tête de son parti du Likoud, et celle du renouvellement de la Knesset, plus tard (novembre 2006…). En vue de son voyage, Sharon a accordé une interview, au “Times”, qui parle avec enthousiasme du « pari de sa vie », lorsque Sharon s'est présenté en grand-père apaisé, lors des élections de 2001. Aux prochaines élections, le président Arafat ayant quitté la scène, ses conseillers promettent de lui trouver une autre image du jour… Pour Sharon, la communauté des Etats-Unis « est une arène favorable pour parler du désengagement de Gaza : les sondages indiquent le soutien de la majorité, car ce sujet n'y soulève pas les mêmes controverses que les accords d'Oslo ». Et il y a à cela plusieurs raisons. A l'époque, l'hôte de la Maison-Blanche était un démocrate, Bill Clinton. Celui-ci et la droite juive avaient mobilisé des congressistes républicains qui harcelaient la présidence sur les relations avec le président Arafat. A présent, constate Alouf Ben, c'est un président républicain qui soutient le président du Conseil israélien, et l'opposition démocrate ne peut critiquer le retrait des territoires palestiniens… Les partisans des colons, de leur côté, n'ont pas de sujet pour attaquer la Maison-Blanche : « La communauté juive américaine a toujours entendu que l'OLP est un mauvais partenaire. Il ne faut pas négocier avec lui, disent-ils ». « Cela a fini d'être intériorisé et, c'est pourquoi, il était difficile, pour les dirigeants de changer de position, ajoute Alouf Ben, de son côté. Même, aujourd'hui, il n'y a pas de changements de valeur. Le retrait de Gaza n'est pas un signe de sympathie envers les Palestiniens, mais sert les intérêts sécuritaires israéliens ». Le lobby judéo-israélien des Etats-Unis, l'EPAC, ne s'était pas enthousiasmé pour l'accord d'Oslo, rappelons-le. A présent, il apporte son soutien au désengagement de Gaza. D'autre part, l'EPAC a joué un rôle primordial dans la lettre du président Bush à Sharon, en reconnaissant les blocs de colonies. Le congrès du lobby au cours duquel Sharon et ses ministres les plus proches prennent la parole, est le « Congrès du désengagement ». Mais la participation de Sharon à ce congrès sera un signe de solidarité avec le lobby. L'EPAC a, en effet, été atteint par l'affaire des fuites de Larry Franklin du Pentagone, suivie d'une enquête du FBI. Les proches de Sharon, signale Alouf Ben, ajoutent qu'il profitera pour confirmer sa politique de promotion d'une nouvelle immigration (Alya) vers Israël : des Russes encore, des Français, mais surtout des intellectuels américains, au lieu des religieux dirigés vers des colonies…