Le site de Chellah a abrité, vendredi 20 mai 2005, une journée de réflexion sur le Forum mondial de la culture. Cette journée, organisée en marge de «Mawazine», s'inscrit dans le cadre des préparatifs au 2ème Congrès du Forum qui se tiendra en septembre prochain à Amman en Jordanie. Chellah, prestigieux monument de Rabat, était vendredi dernier au rendez-vous avec un événement de taille. Frantz Patay, secrétaire général du Forum mondial de la culture, entouré d'une pléiade d'écrivains marocains, a présenté les grandes lignes du 2ème Congrès de ce Forum prévu du 4 au 7 septembre 2005 à Amman (Jordanie). Le responsable, d'origine autrichienne, a commencé par rappeler le contexte dans lequel s'est tenu le 1er Congrès le 29 juin 2004 à Sao Paulo (Brésil). Le but de ce 1er Forum, a expliqué M.Patay, consistait à lancer un processus de consultation. Les 5000 participants à ce 1er Forum, originaires de différents pays du monde, ont alors été unanimes à souligner «la nécessité de créer une plate-forme internationale afin de permettre un meilleur échange d'expériences et d'initier d'importants projets visant le développement durable dans les domaines de la culture». Le Forum d'Amman, quant à lui, devrait s'atteler à «dégager des actions concrètes et des approches innovatrices pour la promotion de la dimension culturelle dans le développement socio-économique et la coopération internationale». L'intervention de M.Patay a ainsi consisté à présenter les principes généraux du Forum mondial de la culture, créé dans la finalité de donner à la mondialisation un visage culturel et donc humain. «Un développement durable, cheval de bataille de la mondialisation, ne saurait être acquis sans la promotion d'une culture créatrice», a enchaîné Abdelhamid Akkar. Simplement, fait remarquer le président de l'Union des écrivains du Maroc (UEM), la culture dans le monde arabe reste sans prise sur la réalité. «Le champ culturel dans le monde arabe, et particulièrement dans le Maghreb, se distingue par une dichotomie, voire une contradiction entre la production, la pratique et la conduite des hommes de culture», précise le responsable. Bensalem Himmich irait plus loin en disant, pour sa part, que l'intellectuel arabe vit un «état de coinçage». Le Prix Najib Mahfoud de littérature dénonce la soumission des intellectuels d'aujourd'hui au «political correctness» (le politiquement correct), au «public relations» (relations publiques), au «tam-tam médiatique»… L'intellectuel, qui sombre aujourd'hui dans l'indolence, a de ce fait failli à son statut de «lanceur d'idées», pour devenir un «intellectuel de service». Il s'écarte, de jour en jour, des principes fondateurs du travail intellectuel, à savoir l'autonomie d'esprit et de pensée et la liberté de ton. D'où cette «culture du jetable» ou du «fast-food, pour emprunter un terme au jargon-marketing en vogue. De son côté, Abdeltif Felk, universitaire, a souligné la difficulté que rencontre le changement culturel à notre époque. Et de citer le philosophe Kierkegaard, faisant référence à l'une de ses célèbres formules : «L'Homme se sent à l'aise dans son habit ancien». Et, du coup, il répugne à tout changement introduit par les hommes de culture, espace de création par excellence. M.Felk, qui s'est présenté comme «sociologue», cite également Pierre Bourdieu, l'une des figures de proue de la sociologie moderne. Pour le sociologue français, il convient de lever l'amalgame entre «culture» et «entertainment» (divertissement). La culture ne saurait être réduite, comme les Anglo-saxons le font, à sa dimension ludique. La culture n'est pas un loisir. Et moins encore une «marchandise», pour reprendre un mot cher à cette époque néo-libérale. En clamant la réhabilitation de la culture au sens propre du terme, c'est-à-dire en tant qu'outil d'éducation, de raffinement des sens et de l'entendement, M.Felk a lancé un appel pour doter cette culture des infrastructures nécessaires à son épanouissement. Il plaide à cet effet pour ce qu'il a appelé un «aménagement culturel du territoire», qui implique un investissement dans l'édification de différents espaces culturels (musées, bibliothèques, centres des jeunes) et dans la formation des responsables culturels.