Alors que les projections politiques prophétisent le maintien des transferts à leurs taux actuels, un changement discret est en train de s'opérer et risque de se traduire par des réductions drastiques d'une manne très convoitée. Le mythe de « l'éternel retour » serait-il en voie de devenir de l'histoire ancienne ? Le profil du MRE, né au Maroc et qui, malgré des années passées à l'étranger, décide de rentrer au bercail, toutes ses économies avec, entre temps, des envois réguliers d'argent à la famille restée au Bled, serait-il une espèce en voie de disparition ? La tendance du retour de nos MRE confirme le contraire, prouvant, si besoin est, l'attachement des Marocains installés ailleurs à leur pays d'origine. Mais, presque subrepticement, un changement de comportement de nos MRE est en train de s'opérer. Les «premières générations» n'avaient d'autres soucis que d'avoir un chez soi au Maroc, pour pouvoir un jour rentrer et s'y installer. C'était pour eux la récompense de tant d'années de dur labeur. Accessoirement, ils créaient des structures économiques de petite ou moyenne taille (commerces, cafés, restaurants…) à même de leur assurer une «retraite» paisible et sans souci. L'enjeu majeur est la sécurisation et la rentabilisation des épargnes, systématiquement transférées au Maroc. Cumulés, ces transferts ne représentent pas moins que la première entrée du pays en devises, estimée, en 2002, à 36 milliards de DH. Si tel est toujours le cas actuellement, pour le plus grand bonheur des caisses, et caissiers de l'Etat, qui reçoivent ce montant gigantesque comme une “baraka”, c'est essentiellement grâce à cette catégorie de MRE. Une catégorie, une génération, qui cède la place à une autre. Celle-ci, composée de fils d'immigrés, ne connaissant le Maroc qu'à travers les quelques jours passés au «Bled» est entièrement orientée vers le pays où elle est née. Même si plusieurs de cette deuxième génération, en phase avec la société de consommation, reviennent au Maroc en quête d'opportunités d'investissement direct. Mais force est de constater que le succès n'est pas toujours au rendez-vous et que les billets son toujours des aller-retour. Le changement radical de comportement vis-à-vis du pays d'origine est lié à la troisième génération MRE, certes à peine naissante, mais qui symbolisera dans quelques années ce que seront les Marocains de l'étranger. Jeune, cette génération est loin d'être diminuée d'attaches à son pays, mais en s'y rendant, c'est un comportement de touristes qu'elle adopte. Le Maroc, ce n'est pas pour vivre et prospérer. C'est pour passer ses vacances. Les responsables politiques le savent bel et bien. Ils ont même inclus la troisième génération des MRE dans les 10 millions de touristes attendus à l'horizon 2010. Mais le revers de la médaille, c'est que la manne financière que mettent les MRE à la disposition de l'économie marocaine risque d'être réduite à des traveller-chèque. Les milliards de transferts seraient parallèlement réduits à des millions dépensés dans le tourisme. D'autant que la tendance de l'immigration à partir du Maroc tend à baisser significativement. Le tout sonne d'ores et déjà le glas de ces transferts. A un moment où toutes les stratégies de développement et toute l'économie nationale dépendent toujours et tablent encore sur ces transferts.