Il existe près de 500.000 mendiants dits professionnels au Maroc. Lors de leur quête quotidienne d'argent, certains mendiants usent et abusent de certaines techniques pour pousser les âmes charitables à mettre la main à la poche. Le chiffre est effarant. La réalité qu'il traduit, l'est davantage : le Maroc compte près de 500.000 mendiants «professionnels» permanents ou occasionnels. C'est les résultats d'une récente étude réalisée par la Ligue marocaine pour la protection de l'enfance, en collaboration avec l'Entraide nationale et le ministère de la Santé pour une population de plus de 30 millions, le nombre de ces laissés-pour-compte est plus que significatif. «C'est un chiffre énorme qui reflète un état des lieux encore plus noir que nous le pensions» ; il s'agit là de la première réaction de Touria Bouabid, présidente de l'Association marocaine d'Aide aux Enfants en Situation précaire (AMSIP). La pauvreté et l'indigence constituent les causes principales qui poussent cette catégorie de démunis à exercer la «profession» de mendiant, selon les termes de l'enquête, dont les résultats ont été relayés par l'agence MAP. Car c'est bel et bien de profession qu'il s'agit. Et pour mieux saisir les tenants et les aboutissants de cette âpre et amère réalité, les enquêteurs ont axé leurs recherches sur un échantillon d'enfants dans la wilaya de Rabat-Salé-Skhirat-Témara, pour l'année 2004. D'ailleurs, les enfants sont souvent utilisés pour pousser les âmes charitables à mettre la main à la poche. Dans cette «profession», les femmes recourent le plus souvent aux enfants de moins de 7 ans. Des enfants «exposés» sur un lit de fortune dans les plus achalandés des rues commerçantes, des bébés passant le plus clair de leurs journées près des feu-rouges, des handicapés menés ( et souvent malmenés ) dans une quête quotidienne de quelques dirhams… Ce sont là quelques scènes d'un spectacle désolant que nous vivons chaque jour et dans les grandes villes du pays. Dans le cas de ces enfants exploités par ces femmes et parfois même par des hommes, seuls 25 % pratiquent la mendicité d'une manière saisonnière. Les 75 % restants exercent tout au long de l'année. Chacun pour soi, Dieu pour tous, semble leur devise. D'ailleurs, 32 % de mendiants «exercent» aux portes des mosquées, 29 % dans les rues, et 16 % dans les souks et les super marchés. La «récolte» oscille en moyenne entre 50 et 100 dirhams quotidiennement. Et ce sont ces adultes exploiteurs qui accaparent le fruit des oboles. L'enquête précise que la santé d'un tiers de ces enfants est loin d'être au beau fixe : maladies chroniques, diabète, hypertension, différentes allergies, asthme, tuberculose, anémie, rhumatisme et ulcère. Les conditions de ce «travail» y sont, certes, pour quelque chose. Rester toute la journée dans la rue pour un enfant de mois de 7 ans ne passe pas sans dégâts. C'est vrai, on ne sort pas indemne lorsqu'on a été exposé dans des conditions insupportables aux passants, aux piétons, aux automobilistes…dans différents lieux. Ces enfants-là ne connaissent malheureusement de la vie que sa face sombre et ses interminables vicissitudes. Le risque est évidemment de prendre goût à cette «profession» et de reproduire le même scénario, d'autant plus que dans la majorité des cas, une relation existe entre les enfants et leurs accompagnateurs, selon cette enquête. Pour les autres cas, 15 % des sondés ont avoué qu'ils ont «loué» des enfants, à un montant variant entre 50 à 100 dirhams hebdomadairement. L'étude a également montré que 56 % de ces enfants sont des garçons et le reste des filles. Pour les enfants âgés de 8 à 12 ans, le pourcentage des garçons est de 75 %. La diminution du nombre des filles dans cette catégorie d'âge serait due à l'orientation des filles vers d'autres activités, en l'occurrence l'exercice du métier de bonnes au meilleur des cas, ou la prostitution au pire. L'enquête a révélé que 25 % de ces enfants n'ont jamais été scolarisés, tandis que 9 % ont suivi des cours coraniques. Pour ceux qui ont pu accéder à l'école, le pourcentage est de 25 % pour le niveau primaire et 3 % pour le secondaire. S'agissant de leur niveau de vie, 31 % de ces petits mendiants vivent en famille dans une seule chambre et 28 % dans une baraque. Les plus malheureux d'entre eux (19 %) n'ont pas de toit et vivent dans la rue. En fait, ces 500.000 mendiants que compte le Maroc est un indicateur de la misère d'une bonne partie de la population. Une situation alarmante qui doit interpeller plus d'un.