Entretien avec Youssef Hosni, directeur de l'Office de développement de la coopération (ODCO) Les coopératives, à l'instar des autres entreprises, notamment les TPME, ont été frappées de plein fouet par la crise sanitaire. Sauf que cet impact est différencié en fonction des secteurs d'activités. ALM : Quel a été l'impact du Covid-19 sur l'activité des coopératives ? Youssef Hosni : A l'état actuel des choses on ne dispose pas vraiment de chiffres exacts concernant l'impact du Covid-19 sur les coopératives. Ce qu'il faut savoir, c'est que les coopératives en tant qu'entreprises sociales, à l'instar des autres entreprises, notamment les TPME, ont été frappées de plein fouet par la crise sanitaire. Sauf que cet impact est différencié en fonction des secteurs d'activités. Les coopératives opérant dans le tourisme sont plus touchées que celles de l'agriculture, sachant que ces dernières représentent plus de 65% du tissu coopératif au Maroc. Et encore l'impact varie au sein du même secteur. Dans l'agriculture à titre d'exemple, les coopératives de production végétale et animale ont été moins impactées comparé à celles du miel. Comme vous le savez, les producteurs du miel ont trouvé beaucoup de difficultés à transporter leurs ruches et à récolter leur production. Ils ont raté les opportunités offertes aux mois de Chaabane et de Ramadan durant lesquels la consommation de cette denrée est très élevée. Donc l'impact est là mais il est différencié en fonction des secteurs économiques. Comment l'Office a-t-il agi pour absorber le choc en ce temps de crise? Dès le déclenchement de la crise, et sur instruction de la ministre de tutelle, Nadia Fettah Alaoui, nous avons mis en place une cellule de veille pour s'enquérir de l'impact du Covid-19 sur les coopératives, de suivre leurs situations et d'actionner les leviers possibles pour contribuer à réduire l'impact. Nous avons commencé comme l'ensemble des départements par la diffusion de communiqués, de spots et capsules informationnelles. Et nous avons demandé surtout à nos délégués régionaux d'assurer un contact permanent avec les coopératives pour leur expliquer les mesures prises et les aider à en bénéficier. Même si elles sont reconnues par la loi en tant qu'entreprises, les coopératives se sont retrouvées comme secteur informel du fait qu'elles ne disposent pas de couverture sociale et du coup elles ne sont pas inscrites à la CNSS. De ce fait, elles ont dû bénéficier des mesures prises par le Comité de veille économique en tant que ramédistes ou non ramédistes. Le niveau d'instruction des coopérateurs étant très limité, nous avons demandé aux délégués de les accompagner pour s'inscrire et en bénéficier. Qu'en est-il de l'appui à la commercialisation ? C'est la deuxième action structurante que nous avons entreprise. Elle répond, d'ailleurs, à cet esprit de solidarité dont ont fait preuve les Marocains. Depuis la décision du Souverain de créer le Fonds Covid-19, l'Office a lancé un appel auprès des volontaires marocains disposant de savoir-faire en matière de marketing et d'infographie pour aider les coopératives à développer leurs identités visuelles et les accompagner dans la commercialisation de leurs produits à travers les plateformes électroniques en encourageant une sorte de branding individuel des coopératives. Les coopératives ne savent pas où vendre leur produit et la quasi-totalité ne dispose pas de compétences dans le domaine de la vente en ligne. Donc il fallait les préparer à ce créneau, notamment en développant leurs identités visuelles et leurs packagings de sorte qu'on puisse mettre leur produits sur les réseaux sociaux et autres plate-formes. Quel bilan dressez-vous de cette action? Nous avons enregistré avec satisfaction l'implication automatique des volontaires marocains, soit sous forme de personnes physiques ou morales (agence de communication, association, professeurs, écoles). Environ 300 volontaires se sont enregistrés pour accompagner 870 coopératives inscrites sur notre site. Cette mise en relation que nous avons encadrée a abouti à l'élaboration de catalogues, comprenant entre autres les identités visuelles des coopératives et les photos des produits avec le prix. C'est une sorte d'accompagnement à la conduite du changement à travers l'initiation de la pratique de vente en ligne. De même des capsules vidéos ont été élaborées par les volontaires en concertation avec l'Office expliquant comment créer des pages propres aux coopératives sur les réseaux sociaux ou sur les plate-formes électroniques disponibles avec un langage très simplifié, en l'occurrence l'arabe dialectal. Nous avons visé dans un premier temps les plate-formes gratuites qui sont subventionnées par les partenaires publics ou privés. Parallèlement à cela et pour aider les coopératives à commercialiser leurs produits, nous avons pris contact avec les grandes surfaces pour les sensibiliser à la nécessité de réserver plus d'espace pour les produits de coopératives et d'élargir la gamme des produits exposés. Les coopératives ont-elle été réceptives à ce nouveau mode de commercialisation? Nous avons observé au départ une réticence. Chose qui est tout à fait normale, mais avec l'appui des volontaires et de l'Office les gens ont commencé à y croire. Pour illustrer, je citerais l'exemple d'une coopérative de commerce électronique ayant développé une plate-forme électronique qui permet aux autres coopératives d'avoir une boutique virtuelle pour exposer leurs produits. Actuellement, et grâce à cet appui déployé, on se retrouve avec plus de 530 coopératives inscrites sur la plateforme alors que les adhésions ne dépassaient pas les 30 coopératives auparavant. Donc, nous avons réussi à accompagner 500 coopératives pour vendre leur produit sur cet espace durant cette période de confinement. C'est pour dire que les gens commencent à y croire. Les consommateurs sont-ils impliqués dans cet appui accordé aux coopératives? La demande est là mais elle reste toutefois timide. Les Marocains n'ont pas l'habitude d'acheter des produits du terroir tels que le miel, argane ou amlou sur les canaux digitaux. En temps normal, ils préfèrent goûter le produit avant de l'acheter. Mais l'appétit commence à venir petit à petit. Cette période de confinement a constitué une opportunité pour la vente en ligne des produits issus de coopératives. Une coopérative de pâtisserie qui était en arrêt grâce à cette plateforme électronique a pu reprendre son activité et à vendre sans problème. La plate-forme de commerce électronique a scellé des partenariats avec des startups qui se chargent pour leur part de livrer le produit. Et ça marche. Le client paye après avoir reçu sa commande.