ALM : Vous venez de réaliser une nouvelle pièce de théâtre baptisée «Don Quichohe», dont l'avant-première a eu lieu au complexe culturel Moulay El Hassan à Al Hoceima. Parlez-nous en quelques lignes de cette œuvre… Latefa Ahrrare : C'est une pièce de théâtre de la troupe «Thifswin». Elle a été écrite par Said Abernous. Elle parle de notre Maroc et de notre univers aussi. Le titre est déjà révélateur. «Don Quichohe», comme on le sait, est une personne qui rêve d'un monde et qui est en train d'affronter des forces imaginaires, comme ce monde maintenant qui varie entre le virtuel et le réel. Et en même temps c'est un personnage flottant. D'ailleurs, tous les personnages de cette œuvre théâtrale possèdent cet aspect. En effet, «Don Quichohe» est un politicien flottant d'un parti politique à un autre, d'une idéologie à une autre. La pièce met aussi en exergue sa relation avec les personnages avec qui il collabore, par exemple Rokaya, l'assistante, une jeune femme qui a vécu le séisme d'Al Hoceima. Il y a aussi Fadma, la femme de ménage qui rêve de devenir Noufissa, danseuse de flamenco, et puis son collaborateur Amezyane qui est à l'origine un jeune diplômé. «Don Quichohe» a utilisé le diplôme d'Amezyane pour accaparer sa carrière de politicien et devenir parlementaire. Et enfin, il y a Mohamed, le personnage ambulant, qui est vraiment la raison de ce monde qui rappelle l'ambiance d'un asile psychiatrique ou d'un capharnaüm. D'ailleurs, la dernière phrase dit que «le monde est un grand capharnaüm. C'est une grande rixe qu'on doit organiser et je commence par moi-même». Cette pièce de théâtre dans laquelle il y a le blanc comme base initiale, il s'est écrit dans chaque petit espace plusieurs histoires. Celles-ci se tournent et se créent au fur et à mesure de la pièce soit par l'usage de la vidéo, l'éclairage, soit par l'usage de la chanson rifaine ou les chansons rock. Il y a aussi de l'archivage des images réelles car j'ai déployé du théâtre documentaire. Comment est née l'idée de cette pièce ? L'idée est née grâce à une collaboration avec Fouad El Banoudi, directeur et producteur exécutif de la troupe, l'écrivain Said Abernouss et les membres de la troupe. On a discuté ensemble pour collaborer. On s'est dit qu'on doit faire quand même une pièce qui raconte l'histoire de ce Maroc moderne et ce Maroc que nous construisons dans la paix et l'écoute de l'autre. Vous savez, entre moi et Al Hoceima il y a une histoire d'amour. J'ai vécu à Guercif près de cette ville. Et je me rends souvent à ce lieu soit pour animer des master class ou pour recevoir des hommages, ou encore pour la découverte de jeunes talents. Quel message veut transmettre cette œuvre ? De toute façon, pour moi, l'art c'est se divertir, chanter, vivre et surtout raconter les histoires de ce que nous avons vécu et ce que nous vivons. Parce que la mémoire des peuples est aussi régénératrice. Je peux dire finalement que la pièce montre que peu importe le chaos qui règne dans le monde, il est du devoir de tout un chacun d'y remédier avec tact, douceur et amour. On doit l'organiser et nous devons être des êtres humains avec toutes nos contradictions mais dans le respect de l'autre. Pour la première fois vous collaborez avec une jeune troupe amazighe, comment s'est déroulée cette expérience ? C'est la première fois que je travaille avec cette troupe et que je monte un spectacle en amazigh rifain. Et je suis contente parce que les acteurs ont une fraîcheur inouïe, une sincérité et une gestique très profonde. C'est vrai, ces jeunes ne sont pas lauréats d'une école artistique mais ils sont issus d'une belle école, celle d'Al Hoceima. Nous avons vécu des moments intenses. Je salue l'équipe artistique et technique. C'était tellement beau et profond. J'aurais aimé répéter avec eux à 6h du matin. C'est une belle expérience. Vous présentez une pièce de théâtre en langue amazighe, pensez-vous qu'elle sera comprise par l'ensemble du public ? La pièce est comprise, parce que je déploie l'expression corporelle. Il y a aussi le concept du théâtre documentaire sur lequel je travaille. L'identité amazighe est là, l'identité darija viendra après et puis il y aura le sous-titrage en français, en anglais et en espagnol. Comment le spectacle a-t-il été accueilli par le public d'Al Hoceima ? Le public était magnifique. La salle était archicomble et les gens n'ont pas trouvé de places. J'étais très contente. Quels sont vos projets ? On est en train de préparer une tournée nationale et internationale avec cette pièce. Je participe avec mon dernier court métrage qui sera présenté à la compétition officielle (catégorie court métrage) au Festival international du film de femmes de Salé. Il sera également présenté au Prix national de la culture amazighe à Agadir. Et puis je partirai en France pour animer une soirée comédie.