Depuis sa nomination à la tête de la commission consultative pour la réforme de la Moudawana, M'hammed Boucetta, a rompu avec le silence suivi par son prédécesseur en accordant plusieurs interviews à la presse. Certains de ses propos ont été considérés par des associations de femmes comme une prise de position dans cette affaire qui divise les modernistes et les conservateurs. L'association démocratique des femmes du Maroc accuse Me Boucetta de politiser la réforme du statut de la femme en discutant seulement avec Saad Eddine Othmani (PJD) sans associer les autres tendances. Président de la commission consultative pour la réforme de la Moudawana, M'Hamed Boucetta est un fin politique pétri des valeurs de l'Istiqlal. Un parti non seulement réputé pour ses idées conservatrices mais également soupçonné d'accointances avec les islamistes. L'ex-secrétaire général du vieux parti du Maroc réussira-t-il à dépasser les blocages qui se sont fait jour du temps de Driss Dahak en mettant tout le monde d'accord sur le projet d'une Moudawana revue et corrigée, en phase comme il le dit lui-même avec l'époque que nous vivons ? Une chose est sûre : Me Boucetta, qui n'a pas la langue dans la poche, saura marquer sa mission délicate de son empreinte. Reste à savoir laquelle ? En effet, M'Hamed Boucetta n'a pas encore terminé ses consultations avec l'ensemble des partenaires concernés par la question de la femme que certaines de ses sorties médiatiques ont suscité déjà quelques réactions outrées. Le premier reproche est venu de l'association démocratique des Femmes du Maroc qui par un communiqué daté du 24 février 2003 a exprimé son étonnement par rapport à certains propos tenus par l'intéressé dans la presse. Notamment celui où il évoque le PACS (pacte civil de solidarité) qu'il qualifie de quelque chose d'inacceptable pour un pays comme le Maroc. “ Parler du PACS (affaire qui a divisé récemment la société française, NDLR ) pourrait laisser supposer que cette question figure sur l'agenda de certaines parties impliquées dans la revendication de la réforme de la Moudawana“ relève, stupéfaite, l'auteur du document. Acte de maladresse ou propos réfléchi ? À y regarder de plus près, M'Hamed Boucetta n'était pas obligé de parler du PACS à moins qu'il ne dispose d'informations indiquant que cette question pourrait être à l'ordre du jour. À première vue, son propos est pour le moins déplacé. Mais ce faisant, l'intéressé, que l'on ne peut pas du reste soupçonner de parler en l'air, ne cherchait-il pas plutôt à faire un tir de barrage, histoire de tuer dans l'œuf toute revendication éventuelle dans ce sens ? En tacticien, Me Boucetta a-t-il soulevé le problème du PACS tout en sachant qu'il ne risque pas d'être posé pour mieux baliser le terrain glissant de la révision de la Moudawana et partant atteindre les objectifs qu'il s'est tracé conformément à la vision qu'il a du statut de la femme ? Pour l'instant, les militantes de l'ADFM ont pris la déclaration de Me Boucetta sur le PACS au pied de la lettre en faisant une grille de lecture au premier degré. “ Parler du Pacs dans un débat sur la réforme de la Moudawana et à fortiori de la part du président de la commission chargée de la réformer ne pourrait, à notre avis, qu'induire l'opinion publique en erreur alors que des problèmes, réels et récurrents et des revendications responsables attendent un règlement juste et équitable de la part de la commission présidée par Maître Boucetta“ conclut le communiqué de l'ADFM. Il n'en fallait pas plus pour que la polémique s'installe au risque qu'elle occulte le vrai débat sur les droits de la femme. Le silence de Me Boucetta, qui a refusé d'expliciter sa pensée sur le PACS, ajoute à la confusion. Quoiqu'il en soit, il serait malvenu de faire un procès d'intention à l'ex-patron de l'Istiqlal sur une question qui, tout compte fait, est antinomique avec les fondements de la religion musulmane. L'essentiel est ailleurs. Il s'agit de trouver un équilibre entre les préceptes de l'Islam et les exigences de la modernité. Prendre acte des acquis arrachés par la femme qui a réussi à conquérir tous les domaines de la vie active. Prendre en considération ses revendications légitimes sans s'enfermer dans une vision étriquée de sa place et de son rôle dans la société. D'où l'importance de l'Ijtihad (la jurisprudence) sur des aspects aussi importants que le divorce, les biens des conjoints et la polygamie. L'objectif final étant de rétablir les droits de la femme dans les domaines où elle est lésée sans diviser la société marocaine sur un dossier pas trop sensible. Pour arriver à un texte consensuel qui ressemblerait à ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons, la conciliation du courant des modernistes et celui des conservateurs est indispensable. Ce qui n'est pas une sinécure. Me Boucetta le sait qui est appelé plus que jamais à mettre tout son savoir-faire et son expérience au service d'une cause qui demande de l'engagement et des convictions.