Doit-on demander à une personne gravement traumatisée de payer avant de bénéficier des soins des services des Urgences ? De prime abord non, mais qu'en est-il dans la réalité ? Le service des Urgences du CHU (Centre hospitalier de Casablanca) Ibnou Rochd de Casablanca ressemble à une ruche plus qu'à un service de santé publique. Pour les âmes sensibles, il est déconseillé de le visiter, surtout la nuit. Des accidentés graves, des malades criant leurs douleurs, des bébés à la limite de l'asphyxie à force de pleurer… Bref, vous aurez l'occasion de toucher du doigt l'atrocité de la maladie et de la douleur ! alors si votre malaise peut attendre le lendemain, zapper le service des Urgences et adressez vous directement aux services spécialisés. Si vous souffrez par contre le martyre, n'oubliez surtout pas de vous approvisionner en argent, dans la foulée de votre malaise, la facture peut être très salée. Pas d'argent, pas de soins, alors gare à vous : pas d'oubli ! «Nous recevons chaque jour des personnes pauvres qui, grâce à leur certificat d'indigence ,ont accès aux soins de nos services», explique le responsable du service administratif du CHU. Et de continuer : «Nous accueillons également des accidentés et des malades en crise. Même en cas de problème de paiement nous les prenons en charge». Ce qu'il faut savoir, c'est que le service des Urgences accueille un peu de tout : il y a des gens qui viennent pour des douleurs passagères, des malades chroniques qui ont peur de vivre la dernière crise fatale, des SDF (Sans domicile fixe), des accidentés de la route, des incendiés, des traumatisés,etc. Ni les moyens matériels ni les moyens humains du CHU ne permettent de prendre en charge toutes ces catégories. Pis encore, les malades ont pris l'habitude de se diriger vers le service des Urgences du CHU, alors qu'actuellement chaque préfecture a son hôpital de zone auquel est rattaché un service des Urgences. «Les médecins les plus professionnels se trouvent au CHU», répond Fatima, une sexagénaire, visiteuse assidue des services du CHU, vu ses multiples maladies. Ceci étant, il ne faut pas oublier que la fréquence des visites du service des Urgences suit une certaine saisonnalité. Les périodes qui connaissent un pic sont les périodes estivales à cause de l'augmentation du nombre des accidents routiers, les fins d'années ainsi qu'à l'occasion d'importants matchs sportifs. Ceci est tout à fait ordinaire et ne justifie en rien la prise en charge sélective des Urgences, pourraient répondre les malades. Le problème réside dans la non-couverture médicale des Marocains. Dans les pays européens, le malade accède directement aux soins d'urgence puisqu'il bénéficie de cette couverture. Au Maroc, ils sont une minorité ceux qui sont assurés. Ceci justifie en partie, la difficulté d'accéder aux soins quand on manque d'argent. « Le plan d'urgence a coûté au ministère de la Santé la bagatelle de 600 millions de DH », nous a fait part un porte-parole de ce ministère. Ce plan, faut-il le rappeler, concerne l'année 2005 et vise le renforcement du système des urgences surtout au profit des personnes indigentes. « Ce sont les malades qui ont les moyens de payer qui brouillent la situation. Ils sont malheureusement nombreux. Ils ne savent pas qu'ils prennent la place des autres patients réellement nécessiteux », a fait remarquer ce porte-parole. L'accès du citoyen marocain aux soins médicaux est, en grande partie, un problème dû à la non- rationalisation des dépenses du ministère de la Santé.