De la situation d'étudiant universitaire à celle d'immigré clandestin en Espagne, en passant par celles d'employé dans une usine et de commerçant, Rachid, 40 ans, célibataire a fini dans la peau d'un clochard, SDF, agressant des passants sur la Route d'El Jadida, à Casablanca. Quand il a décroché son baccalauréat, Rachid, né en 1965, s'imaginait que tous les espoirs lui étaient permis. Une certitude chez lui : il allait obtenir un diplôme universitaire lui permettant d'envoyer des demandes d'emploi à diverses sociétés, sans ressentir aucun complexe. C'est la raison pour laquelle il a décidé de s'inscrire à la faculté des sciences d'Aïn Chock, à Casablanca, dans la section physique-chimie. La première fois qu'il a découvert le monde universitaire, il avait la sensation que le savoir et la connaissance étaient les maîtres-mots. Il était très actif lors de sa première année au campus universitaire. Il fréquentait la bibliothèque, assistait aux cours, révisait, discutait avec ses amis à la buvette. Il a passé cette première année avec succès. Ses parents, qui suaient sang et eau pour satisfaire ses besoins étaient pleins de joie. Ce qui leur importait était que leur fils décroche son diplôme, soit embauché par une grande entreprise de la place et perçoive un salaire digne de ce nom. Seulement, tout a changé en deuxième année. Il ne savait pas pourquoi il avait été gagné par le désespoir. Il n'arrivait plus à poursuivre ses études, ne pouvait plus fréquenter la faculté, les amphithéâtres et la bibliothèque, ni même suivre les cours. Pourquoi ? D'abord, il a remarqué que l'espoir d'être embauché après l'obtention d'un diplôme en sciences physique ou chimie était très mince. Ensuite, il ne disposait plus de l'argent nécessaire pour poursuivre ses études, acheter des livres de référence, s'acquitter de la carte du bus. Depuis, il a commencé à «sécher» les cours, pour, finalement, ne plus aller à la faculté. Rachid a commencé à chercher un emploi correspondant à ses ambitions et à son niveau d'études. C'est ainsi qu'un proche de la famille l'a conduit dans les locaux d'une usine de production de sucre, à Kasbat Tadla. Embauché, il a commencé à travailler avec abnégation. Seulement trois mois plus tard, il a remarqué qu'il ne pouvait plus continuer. Il pensait que cet emploi ne lui permettrait pas de mettre le premier pas sur le chemin convenable pour réaliser son rêve: avoir de l'argent nécessaire pour gagner honnêtement sa vie. En conséquence, il a laissé tomber son travail dans l'usine pour se consacrer au commerce. Mais sans capital. Au fil des semaines, il en est arrivé à la conclusion qu'il avait fait, une fois encore, le mauvais choix. Il ne pouvait plus continuer dans cette affaire qui lui avait englouti les quelques sous qu'il avait amassés durant les trois mois passés à Kasbat Tadla. Et il a abandonné le commerce pour rêver de l'Eldorado où il pensait se rendre clandestinement. Au fil du temps, il a fini par rencontrer une personne qui lui a affirmé qu'il devait se rendre à Tanger pour réaliser son rêve d'émigrer ailleurs. Après avoir fais ses adieux à ses parents, il est allé dans la ville du Détroit, pour se faufiler à l'intérieur du port et se glisser dans une remorque à destination de l'Espagne. Il y est arrivé et a pensé que tous ses problèmes étaient résolus. Malheureusement, une fois là-bas, tous ses espoir se sont envolés en fumée. Il n'a pas trouvé de travail et en a été réduit à mener la vie de vagabond, cherchant juste à se nourrir de n'importe quoi et passant ses nuits à la belle étoile. Une vie misérable qu'il a menée durant deux mois avant d'être arrêté par des éléments de la police espagnole qui l'ont refoulé. De l'aéroport Mohammed V, au commissariat de police, il a atterri dans la rue, refusant de rejoindre le foyer parental. Il ne pouvait supporter le regard de ses parents et de ses frères. La honte. Il a repris à Casablanca la vie de vagabond qu'il avait menée en Espagne. D'une rue à l'autre et d'un quartier à l'autre, il a fini par trouver réfuge sous un pont de la Route d'El Jadida. Et comme il n'avait pas de moyen de subsistance, il a commencé à agresser les passants avec un couteau qu'il fourrait sous ses vêtements. Après l'agression de plusieurs victimes, les plaintes ont commencé à pleuvoir au commissariat de de Hay Hassani-Aïn Chock. Les policiers ont mené une campagne, qui s'est soldée par l'arrestation de Rachid. Avouant ses agressions, ce dernier a été traduit devant la Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca.