Bush aura sa guerre. Il n'est pas sûr qu'il en sorte individuellement vainqueur. Il n'est pas inscrit dans une démarche internationale collective comme son père a pu l'être pour la première guerre d'Irak. Sa solitude, dans cette aventure qui va s'aggraver de jour, en jour est la vraie «faille» de sa politique. Le Monde entier refuse la guerre en Irak. Seul Bush, obsessionnellement, la veut. Les pays arabes et les pays musulmans la rejettent. Les opinions publiques européennes, y compris les britanniques, s'y opposent. Les Nations unies excluent toute action unilatérale du Président américain et s'accrochent, malgré des pressions impérieuses, au cadre légal international. Cette guerre, on peut le dire, est universellement condamnée. Et pourtant Bush s'entête. Cette situation, les amis des Etats-Unis de par le monde ne la comprennent pas. La politique inutilement belliqueuse de Bush à l'égard de l'Irak n'est digne ni de la puissance américaine dans ce qu'elle peut représenter comme facteur de stabilité et de paix dans le monde, ni des valeurs de justice et de liberté que ce pays incarne. Bush met l'Amérique en porte-à-faux avec elle-même; dans ce sens, il la fragilise durablement sur le plan international, et il expose, d'une manière aventureuse, la communauté des nations, notamment arabes et musulmanes, à des déstabilisations en cascades sans qu'elles aient véritablement les moyens de les contenir et de les contrôler. L'activisme guerrier de Bush, son volontarisme pour changer la donne géopolitique dans cette région du monde, sa volonté, dont la légitimité est plus que discutable, de mettre en place des Exécutifs au service strict des intérêts étroits d'un certain nombre de lobbies américains ne constituent pas en soi une vision, honnête et généreuse, du monde. C'est du bricolage géopolitique dangereux dont les peuples paieront fatalement et durablement l'addition. L'Amérique, on veut le croire, n'est pas cela et ce n'est pas en son nom que cela doit être fait. Les 150 000 soldats américains fourvoyés dans cette aventure sans issue risqueront, pour la première fois peut-être, leurs vies non pas pour la défense de leur patrie, qui serait en danger, mais dans un combat dont la légitimité, voire la légalité, sont contestées par tous les peuples du monde. On peut en dire autant, sinon plus, de l'engagement des soldats anglais dans cette équipée grotesque. Que deviendra l'Irak après ? Nous n'en savons rien. Saddam Hussein survivra-t-il au conflit? Son destin n'est pas scellé. Les Irakiens se retourneront-ils contre le régime ? Rien n'est moins sûr. La partition de l'Irak sera-t-elle utile pour la région ? Ce n'est pas démontré. Le terrorisme international reculera-t-il ? Ce n'est pas évident. Bush et ses conseillers ne répondent, sérieusement, à aucune de ces questions. À croire, que fondamentalement, l'objectif de la guerre contre l'Irak c'est la guerre elle-même. C'est une fin en soi qui ne satisfait, dans une sorte d'autisme martial, que les lobbies qui gravitent autour de la Maison-Blanche et qui font et défont les décisions que signe le Président Bush. Bush aura sa guerre. Il n'est pas sûr qu'il en sorte individuellement vainqueur. Il n'est pas inscrit dans une démarche internationale collective comme son père a pu l'être pour la première guerre d'Irak. Sa solitude, dans cette aventure qui va s'aggraver de jour, en jour est la vraie «faille» de sa politique. Tous les risques, à court et à moyen termes, pour lui et pour son administration, viendront de cet isolement «splendide» qui aboutira, probablement, au scénario imprévu, celui de l'échec moral de l'Amérique.