«De l'art féminin au féminin dans l'œuvre» est le titre de la conférence qui sera animée par l'artiste-peintre Rim Laabi, ce soir jeudi 10 février, à l'espace Actua d'Attijariwafa bank. Entretien. Aujourd'hui Le Maroc : En tant qu'artiste- peintre femme, croyez vous qu'il y a une différence entre l'art féminin et l'art masculin ? Rim Laabi : Vous savez, ce thème de la création plastique et les femmes m'avait intriguée au départ. Mais il m'aurait encore plus intriguée s'il s'agissait de la création plastique contemporaine des femmes. Moi, je ne pense pas qu'il existe une différence entre l'art féminin et l'art masculin. Je ne crois pas que le sexe de l'artiste prédétermine son art. Par ailleurs, ce thème est très pertinent, puisque ça nous pousse à nous pencher sur les différentes acceptions du terme féminin. Moi, je préfère prendre en considération le travail des femmes dans toute sa richesse et non pas comme différence. C'est pour cette raison que mon intervention va s'attarder sur le féminin à l'œuvre. Cette notion de féminin n'est pas propre à la femme, on peut la retrouver chez l'artiste homme aussi, puisque nous vivons dans un univers fait d'hommes et de femmes. Dans mon intervention, j'aborderais le thème de la création plastique contemporaine des femmes pour dire qu'elle n'existe pas. Il y a plutôt un féminin dans l'œuvre. Ce féminin dans l'œuvre n'est pas uniquement l'apanage des femmes uniquement. Il ne faut guère omettre le fait que l'homme possède une part de féminité en lui. Le thème aurait posé problème si on avait par exemple dans l'intitulé : «L'art contemporain des femmes». Mais là il s'agit de la création plastique et les femmes. La conjonction «et» est très importante. Mais ne pensez-vous pas, comme certains, que nous vivons dans une société qui marginalise les femmes et que cela se répercute même sur l'art ? Oui certainement, nous vivons dans une société patriarcale et il y a certainement une certaine attitude qui est fausse. Certaines attitudes machistes peuvent pousser à créer un climat de discrimination. Tout ce climat donne lieu à des attitudes qui sont fausses et à une vision complètement erronée. On réduit souvent l'art féminin au décoratif, comme si la femme ne pouvait réaliser que des œuvres qui sont juste manuels et qui ne nécessitent pas un effort intellectuel. Souvent, il y a des préjugés de ce genre. Mais à votre avis, à quoi cela est-il dû ? Je pense qu'il y a un manque de visibilité, rien n'est clair. Nous vivons dans un pays en voie de développement et il y a forcément le poids d'une société machiste et répressive qui perçoit la femme comme un être faible. Pour ce qui est de la création de l'artiste femme, c'est elle qui doit d'entrecroiser avec la création contemporaine et non le contraire. Mais par ailleurs, on trouve des femmes qui vont revendiquer l'art des femmes. C'est comme si c'était un droit qu'elle se disputait et qui doit leur revenir. C'est une attitude féministe. Mais il y a d'autres paramètres qui interviennent dans cette question concernant la création et les femmes. Mis à part la mentalité, il y a également la question de l'ignorance et de la nécessité de la formation. Justement, quel est selon vous le rôle de la formation pour un artiste ? La formation est très importante pour un artiste qu'il soit homme ou femme. En ce qui me concerne, j'ai fais des études en France et j'ai obtenu un doctorat en arts plastiques et sciences de l'art. Ce sont mes études qui m'ont permis d'avancer dans mes recherches et de réfléchir à ma création. Je ne peux pas faire de création si elle n'est pas accompagnée de réflexions. Mais il existent certains peintres qui ne débattent pas leurs œuvres. Croyez-vous que l'artiste peut ne pas réfléchir sur son œuvre ? Je pense que pour qu'un artiste puisse avancer dans son œuvre, il faudrait qu'il la discute et qu'il la remette en question. Mais il y a des artistes qui préfèrent que leurs œuvres soient discutées par d'autres, des critiques d'art par exemple. Les études permettent d'avoir cette attitude là, de démontrer et de réfléchir. Ce qui m'intéresse en gros, c'est de faire, défaire et refaire. Ces études m'ont appris à continuer à apprendre. Cependant, l'essentiel, ce n'est pas de faire des études à l'étranger, on n'est pas obligé. Mais ceci dit, on peut s'auto-former soi-même. La formation nourrit la création artistique et la nourrit.