Saïd Fakkak, président de la Jeunesse socialiste, aborde, dans cet entretien, la portée de la décision royale de baisser l'âge de vote à 18 ans sur l'évolution de la question de la jeunesse. Aujourd'hui Le Maroc : La décision royale de faire baisser le droit de vote à 18 ans répond à une vieille revendication des mouvements de la jeunesse et des partis de l'ex-opposition. Quelle appréciation en fait la Jeunesse socialiste ? Saïd Fakkak : Il s'agit d'une décision historique, au vrai sens du mot. La décision Royale vient à point nommé pour réparer une injustice, un anachronisme politique et de droit qui frappaient la jeunesse marocaine. Car, il est anormal et inconcevable qu'un jeune de 18 ans, déclaré responsable pénalement, apte à obtenir un passeport, à se marier, etc. n'ait, pour autant, pas le droit de dire son avis sur la politique du pays, la gestion de ses affaires. L'initiative Royale répond, outre à la revendication des partis politiques, des organisations de jeunesse et des associations humanitaires, à la nécessité d'une plus grande implication de cette importante frange de la société marocaine. La Jeunesse socialiste, tout en saluant hautement cette grande décision, espère que l'âge d'être candidat aux élections soit, lui aussi, ramené à 18 ans. Quelles pourraient être les incidences de cette décision sur plan du civisme et de l'engagement politique ? Est-ce qu'on a déjà une idée sur ses retombées sur les statistiques électorales et sur les modes organisationnels des associations de jeunes ? La jeunesse marocaine est forte d'une population estimée entre 60 et 65% de la population totale. C'est une frange dont l'âge va de 16 à 35 ans. Selon des sources fiables, en juin prochain, 1,5 à 2 millions de jeunes auront 18 ans et pourront participer aux élections communales. Cet apport contribuera à hausser le taux de participation, très moyen lors des dernières Législatives, à condition qu'une mobilisation exemplaire soit organisée en direction de cette catégorie sociale. La décision royale vient en fait rendre justice et rétablir les concernés dans des droits jusqu'ici ignorés. Pour ce qui est des jeunesses organisées, il faut dire que 95%, du moins pour la JS, sont compris dans la tranche des 16-36 ans. Cela dit, il faudra faire le constat selon lequel l'encadrement et l'organisation des populations jeunes a énormément reculé par rapport au passé (décennies 70 et 80). Les causes sont évidentes. D'abord il y a la faiblesse du mouvement estudiantin (élèves et étudiants), liée à une sorte de démission des partis politiques face au devoir d'encadrement dans les lycées et Facultés. Pourtant ces espaces sont numériquement importants quand on sait que le pays compte entre 2 et 3 millions d'élèves et près de 300 000 étudiants, qui restent en dehors de la chose politique nationale et des affaires de la Nation. D'ailleurs, les étudiants demeurent la seule catégorie professionnelle qui n'est pas organisée syndicalement, depuis la disparition de l'Union nationale des Etudiants du Maroc (UNEM). Une situation anormale qui incombe en premier lieu aux partis politiques nationaux et qui contribue à la marginalisation politique de la force de demain. Que faire aujourd'hui pour impliquer la jeunesse et la responsabiliser ? Je crois qu'il faudra d'abord s'intéresser à un fait qui risque de passer inaperçu. Les universités et les Facultés vont connaître, en janvier et février prochain, des élections pour désigner leurs conseils. Les étudiants disposent, dans ce cadre, de leurs représentants au sein de ces instances. C'est une occasion pour les mouvements de la jeunesse d'améliorer leurs comportements avec cette frange et de la sensibiliser de la nécessité de s'organiser dans des cadres qui défendent ses intérêts, loin de la politique politicienne. Il faudra contribuer à apporter des solutions pratiques à ses multiples préoccupations. D'abord en matière de formation et d'éducation, par le biais d'un système éducatif performant. Ensuite, il y a le problème des diplômés chômeurs dont le nombre doit être impérativement et drastiquement réduit. La priorité à l'investissement productif, adoptée par le gouvernement Jettou, peut être le début de solution de cette plaie. L'extrémisme religieux a fait son nid à l'Université, qu'en est-il aujourd'hui ? Malheureusement. Le recul de la Gauche au sein de l'Université et l'absence de la démocratie interne dans les partis ont contribué à l'épanouissement des idées obscurantistes. Pas seulement au sein de l'enceinte universitaire. La contradiction principale, au niveau de la société marocaine comme à l'université, s'est déplacée aujourd'hui. Elle se situe au niveau de deux projets. L'un est rétrograde et l'autre de modernité. Il faudra que les hommes épris de justice et de progrès en prennent conscience et agissent en commun accord.