Le Maroc a décidé de permettre, suite à la commission rogatoire internationale, l'audition d'Ahmed Boukhari sur l'enlèvement et le meurtre, il y a 37 ans, de Mehdi Ben Barka. Une initiative à mettre au crédit de la nouvelle approche de la Justice marocaine. Le successeur du juge français Jean-Baptiste Parlos, qui était chargé du dossier Ben Barka, aujourd'hui juge à la Cour de Cassation, va pouvoir interroger l'ex-standardiste des services secrets sur les révélations qu'il croit détenir sur l'assassinat du nationaliste marocain. Il sera assisté par un juge marocain, conformément à l'article 760 du Code de procédure pénale, qui régit les commissions rogatoires. La Justice marocaine, qui vient de donner une suite favorable à la demande française, entend ainsi ne plus poser en termes de tabous des procédures qui, au fonds, ne présentent aucun enjeu. La malheureuse affaire a un peu plus de 37 ans et bien des personnes impliquées ou concernées ne sont plus de ce monde. Et trois pays sont, de l'avis des observateurs, sont « de près ou de loin » impliqués. La France, pays où le leader marocain a été enlevé par des policiers français, le Maroc auquel la facilité veut faire endosser tout le crime, et les Etats Unis d'Amérique –par le biais de la CIA- qui détiennent des milliers de fiches sur ce dossier. Que peut raconter Ahmed Boukhari à la Justice française et marocaine ? «Des racontars, des commérages et des bobards», estiment des politiques qui ont vécu et suivi l'affaire Ben Barka. Surtout que les rares principales personnalités qui détenaient la vérité ne sont plus de ce monde. Aujourd'hui, en dépit de quelques révélations présentées comme nouvelles, le mystère demeure entier. La seule chose que l'on sait pertinemment est l'enlèvement et l'assassinat du leader marocain. Quand le crime a eu lieu, où, par qui et comment ? On ne peut rien affirmer de manière catégorique. A l'époque, à la mi-décennie soixante, les révélations aujourd'hui prises pour argent comptant étaient véhiculées par la rumeur publique. Toutes les hypothèses et les suppositions. Or, c'est la France, pays où ont eu lieu l'enlèvement, la séquestration et l'assassinat de Mehdi Ben Barka, qui est la plus interpellée pour jeter toute la lumière sur une affaire vieille de 37 ans et où les présumés coupables directs ne peuvent se défendre. La recherche de la vérité veut que l'exploration de toutes les pistes soit suivie. En France, au Maroc et aux Etats-Unis d'Amérique. Il faudra déterminer à quel niveau les Etats respectifs ont été impliqués. On a beaucoup parlé des services secrets des trois pays et, en France, la presse de l'époque avait envisagé l'implication directe du Service d'action civique (SAC), une police parallèle du temps du général de Gaule. Les mêmes sources s'étaient interrogées sur l'implication directe de la CIA surtout qu'à l'époque le courant ne passait pas entre Paris et Washington, notamment sur la question de l'OTAN. La presse avait avancé la possibilité qu'il y avait un double coup américain. Un leader tiers-mondiste de la Tricontinentale, ennemi acharné de l'' impérialisme américain », et un président à la veille d'une élection présidentielle. En tout cas, en France il n'y a eu qu'une levée partielle sur le dossier placé secret d'Etat. Le reste demeure du domaine de l'Etat français. C'est là que la vérité (toute la vérité ??) vieillit… Et ce que le commun des mortels pourra prétendre connaître avec certitude ne pourra s'avérer que pure surenchère et manipulation. Cela dit, la Justice marocaine ne doit fermer aucune porte, fût-elle supposée fausse, pour contribuer à faire tourner cette triste page de l'histoire du pays.