Les Etats-Unis ont exposé hier leur nouvelle stratégie de dissuasion. Ils ont réaffirmé le droit de riposter aux attaques par des armes de destruction massive avec une «force écrasante», y compris par des armes nucléaires. «Les Etats-Unis spécifient clairement leur droit de répondre avec une force écrasante, y compris par l'utilisation de toutes les options à leur disposition, à l‘utilisation d'armes de destruction massive contre eux, leurs forces à l'étranger, leurs amis et leurs alliés », précise un document de la Maison-blanche, qui s'adressait en premier lieu à Bagdad. En clair, Washington rappelle qu'ils sont prêts à recourir si nécessaire à leurs propres armes de destruction massive. Au plan diplomatique, cultivant ses alliances, le président américain George Bush a reçu avec faste le chef du Parti de la Justice et du développement au pouvoir en Turquie, Recep Taëb Erdogan dont le pays est essentiel pour Washington en cas d'une nouvelle guerre au Golfe. Parallèlement, Les Etats-Unis réunissaient pour plusieurs jours les opposants irakiens pour débattre de questions relevant de la sécurité et des institutions dans la perspective du renversement de Saddam Hussein. Intervenant sur tous les fronts, l'administration Bush a fait circuler hier une liste de 36 articles qu'ils veulent interdire d'importation par l'Irak. La France et la Russie sont enclins à soulever des objections à la demande américaine. Paris a d'ores et déjà mis en question les restrictions américaines sur certains antibiotiques, comme le Ciproflaxacin, utilisé pour combattre la maladie du charbon et lutter contre les attaques cardiaques. Moscou a déjà demandé, de son côté, que certains types de camions soient supprimés de la liste soumise par Washington. L'ONU n'est pas un pantin manipulé par les Etats-Unis, a déclaré hier secrétaire général, Kofi Annan en réaction aux critiques formulées par des membres du Conseil de Sécurité qui avaient critiqué que Washington ait pu obtenir un exemplaire de la déclaration communiquée par l'Irak sur ses armements, qui était destiné exclusivement aux seuls inspecteurs onusiens : «C'est malheureux et j'espère que cela ne se reproduira plus», a dit Kofi Annan en dénonçant la manière dont l'administration américaine a court-circuité la décision de l'ONU. Les Irakiens n'ont pas raté l'occasion de dénoncer le « style mafieux » de leur ennemi de toujours. « Il semble que les Etats-Unis ne peuvent pas agir avec un style autre que celui des gangs mafieux. Y aurait-il une autre description qui s'appliquerait à la manière avec laquelle ils ont fait main basse sur l'unique copie complète de la déclaration irakienne sur les programmes d'armement », éstiment les médias irakiens dont certains sont allés jusqu'à accuser Washington de vouloir «introduire des changements aux informations contenues dans le document irakien». En réponse à ces attaques, le porte-parole de la Maison blanche a qualifié de déclaration «risible» l'accusation irakienne. Sur le fond, les discussions sur le rapport irakien entre les inspecteurs de l'ONU et le Conseil de Sécurité pourraient démarrer dans une dizaine de jours. Hans Blix, chef des inspecteurs en désarmement, a précisé qu'il s'attendait à partager avec le secrétaire général de l'ONU et les représentants des quinze membres du Conseil de sécurité ses premières impressions sur le document en question. Les cinq membres permanents de ce Conseil sont désormais tous en possession des 12.000 pages de la déclaration irakienne. Les dix membres non-permanents recevront, dans les dix jours, une version expurgée des éléments pouvant aider à fabriquer des armes de destruction massive. D'autre part, la société civile américaine n'est pas insensible aux tendances guerrières de leur président. De nombreux citoyens américains continuent de défiler dans différentes villes dans des manifestations de protestation contre une éventuelle frappe en Irak. Le groupe « Unis pour la Paix » a recensé plus de 120 manifestations et actes de désobéissance civile dans 37 Etats, de l'Alaska à la Floride. Quelque 200 personnes, dont des membres du clergé, ont été arrêtées. À Hollywood, une centaine de personnalités de la télévision et du cinéma ont signé une pétition adressée au Président américain affirmant qu'une guerre contre l'Irak va «accroître les attaques terroristes, causer des dommages à l'économie et porter un coup au statut moral américain dans le monde».