S'il est de coutume pour certains commerces et métiers de cesser leurs activités le jour de l'Aïd Al Adha, les boucheries et les restaurants notamment, d'autres en revanche prospèrent, ou encore font une apparition furtive, mais quand même lucrative. Il s'agit au premier plan des ''grilleurs'' de têtes des bêtes sacrifiées le jour de l'Aïd El Kebir. A Casablanca, comme d'ailleurs dans toutes les villes et contrées du Royaume, ils investissent par bande les ruelles des quartiers pour offrir leurs services aux ménages. Dès les premières heures de la matinée, ces débrouillards, la plupart du temps des jeunes désœuvrés ou du moins sans emploi fixe et parfois même des lycéens, se préparent à la tâche en rassemblant le bois nécessaire à la grillade, ramassé deux ou trois jours auparavant. Une fois le rituel de l'égorgement consommé, les gens du quartier leur confient les têtes des ovidés. Commence alors une opération continue où la personne chargée de la grillade, souvent secondée par un ou deux ''adjoints'', s'attelle à la tâche tout en veillant à ne pas confondre, dans le feu de l'action, les ''têtes''. L'on assiste alors à un ''barbecue'' autour duquel les gens partagent leur joie de vivre, ce moment de fête et de retrouvailles et compensent le froid matinal par la chaleur du brasier. In fine, chacun emporte ''sa tête joyeusement grillée'' et dûment décornée en payant, au bas mot, 15 dirhams en contrepartie. Un point d'honneur à mettre à l'actif de ces ''grilleurs'', c'est leur sens du civisme, car ils n'oublient pas, à l'extinction du feu, de nettoyer les lieux. Preuve que les campagnes lancées à la veille de l'Aïd pour sensibiliser les citoyens sur la propreté ont porté leur fruit. Autre métier qui prospère les jours de l'Aïd, les boulangeries qui, profitant de la fermeture des fours traditionnels dans les quartiers populaires, se trouvent pratiquement envahies. Et là, il faut attendre patiemment son tour derrière les files qui se forment devant les quelques boulangeries qui continuent d'assurer l'approvisionnement en pain, une denrée incontournable pour déguster les brochettes du ''méchoui'' et autre ''boulfaf''. Devant cette affluence, le boulanger recourt au ''rationnement'' (quatre à cinq miches ou baguettes de pain par personne) pour pouvoir satisfaire autant que faire se peut les demandes, ne faisant aucune dérogation même au profit des clients habituels. Si les boulangers sont à la fois au four et au moulin, d'autres corps de métiers en revanche profitent de la manne de l'Aïd sans pratiquement bouger le petit doigt. Il s'agit des propriétaires des téléboutiques qui se font des rentrées sonnantes et trébuchantes conséquentes grâce aux milliers de communications que les gens s'échangent avec les amis et les membres de la famille. Un formidable relais pour rapprocher les uns des autres. • Rachid Sami (MAP)