Ahmed Laâboudi, directeur du Centre marocain de conjoncture (CMC), un observatoire privé de la conjoncture économique nationale et internationale, estime que le contexte de 1983 n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui. ALM : Que pensez-vous de l'idée selon laquelle le FMI risque d'imposer au Maroc un nouveau plan d'ajustement structurel? Ahmed Laâboudi : En fait, je n'ai pas d'informations claires sur ce sujet. Mais ce que je peux vous dire c'est qu'actuellement le contexte économique n'est pas du tout le même que celui de 1983. A cette époque, nous avons effectivement appliqué une politique d'ajustement structurel car les indicateurs étaient pratiquement catastrophiques. Le Maroc n'avait presque plus de réserves en devises. C'est un indice fondamental. Nous n'avions même pas de quoi payer nos dettes. Mais aujourd'hui, il est clair que les indicateurs sont meilleurs, même s'ils ne sont pas parfaits. Actuellement, le pays possède une réserve en devises capable de couvrir douze mois d'importations. Ce qui n'est pas du tout négligeable. En somme, je vois mal pourquoi le FMI voudrait nous appliquer un nouveau programme d'ajustement structurel. Vous estimez, donc, que les indicateurs macro-économiques ne sont pas aussi lamentables que cela? Comme je vous l'ai dit, les indicateurs ne sont pas excellents, au contraire, le Maroc a encore beaucoup d'efforts à fournir en termes de croissance du PIB, notamment. Mais de là à qualifier la situation économique au Maroc de catastrophique, c'est aller vite en besogne. On reproche au gouvernement d'avoir trop dépensé dans le secteur social, qui ne crée suffisamment pas de richesse. Qu'en pensez-vous? On peut critiquer l'action du gouvernement sur plusieurs volets, mais il faut également reconnaître qu'il a eu une approche assez équilibrée entre les contraintes économiques et les exigences sociales. Je parle notamment de la scolarisation, de la santé et des services de base, comme l'électrification et l'adduction d'eau potable pour les populations rurales. Des critiques similaires sont formulées à l'égard des dépenses des recettes des privatisations. Qu'en pensez-vous? Vous savez, comme moi, que les recettes des privatisations sont versées, en grande partie, dans le Fonds Hassan II. Cette caisse permet à l'Etat de financer des projets d'investissement d'envergure. C'est le cas par exemple du logement social. Sur ce point, je tiens à préciser que les avantages du financement de l'habitat social vont au-delà du simple recasement des bidonvillois. C'est tout le secteur des Bâtiments et travaux publics (BTP) qui en profite. Et comme vous le savez, ce secteur peut apporter une très grande valeur ajoutée au PIB marocain. Personnellement, je considère le secteur BTP comme une locomotive économique pour le pays. En plus, il n'est pas budgétivore. Vous conviendrez, toutefois, que la masse salariale pose un réel problème au budget de l'Etat. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord. Je pense même, que si des craintes existent effectivement au niveau du FMI, ce sera à cause de la masse salariale. Celle-ci représente, je vous le rappelle, 13% du PIB national. C'est énorme comparativement à des pays de même niveau de développement que le Maroc. Mais à mon avis, au lieu de se focaliser sur cette masse salariale, nous devons œuvrer à augmenter notre PIB. Et de facto, le volume de la masse va baisser. La politique des départs volontaires ne sert pas à grand-chose, donc? Le problème de la fonction publique au Maroc, c'est avant tout le manque d'encadrement, c'est-à-dire qu'elle ne dispose pas suffisamment de fonctionnaires de haute qualité. Les agents d'exécution et les agents intermédiaires sont beaucoup plus nombreux que les cadres. En initiant cette politique des départs volontaires, j'espère que les fonctionnaires dans les petites échelles seront remplacés par de véritables cadres compétents. Ces derniers sont seuls capables de rehausser le niveau de l'action de l'Etat.