Au lendemain de l'annonce de la composition du gouvernement Jettou, de nombreuses personnalités du parti d'Ahmed Osman contestent le leadership de celui-ci et ses choix de candidats à la ministrabilité. Des mises en cause qui peuvent se traduire par de profonds changements dans la vie d'un parti en mal de repères doctrinaires et organisationnels. Avis de tempête sur le RNI. Les voix s'élèvent, le ton monte. Les députés du parti de Ahmed Osman n'en peuvent plus. Et ils le font savoir en manifestant bruyamment leur grogne depuis la nomination officielle du nouveau gouvernement, jeudi 7 octobre. Les mécontents disent ne pas se reconnaître dans les ministres du Rassemblement qui tiennent ainsi à marquer le coup. Ce mouvement de contestation, qui était prévisible, fut officialisé lors d'une réunion du groupe parlementaire au siège de l'hémicycle au lendemain de la formation du nouvel exécutif. Une réunion houleuse sanctionnée par un communiqué rendu public qui respire la colère et l'incompréhension. Dans ce communiqué, signé par le nouveau chef du groupe Mohamed Abbou, les intéressés font une série de griefs aux critères qui ont présidé au choix des ministres RNI et aux portefeuilles qui leur ont été confiés. Considérant que “la participation de leur formation dans la coalition gouvernementale est faible“, prenant acte “avec regret de l'absence d'un minimum de concertation partisane au sujet des ministrables RNI“, les députés ne se sont pas prononcés définitivement sur la décision à adopter sur cette affaire. Se disant soucieux de contribuer à la réussite des “missions réformatrices du gouvernement de S.M le Roi que Dieu le préserve“, ils laissent entendre qu'ils vont prendre une position qui “tient compte l'intérêt du pays et du parti“. Sans dire laquelle. Apparemment, les parlementaires mécontents, qui écartent de démissionner en bloc du parti ou de rejoindre d'autres groupes parlementaires ou encore de fonder un nouveau parti, entendent pour le moment soutenir le gouvernement tout en étant autonomes par rapport à leur structure d'origine. Ainsi Driss Jettou est-il rassuré sur sa majorité. Si le communiqué en question évite soigneusement de ne pas citer le nom du président Ahmed Osman, il est omniprésent dans chaque ligne, chaque paragraphe, c'est lui qu'on tient responsable de cette situation. C'est lui qui est visé. C'est son leadership qui est contesté. Les accusations fusent de toutes parts comme des fléchettes. D'ailleurs, le premier coup de semonce, le premier acte de désobéissance politique au chef, s'est déjà produit. Ahmed Osman a voulu imposer comme patron du groupe parlementaire le député de Salé, Noureddine Lazrak. Le dîner ramadanesque organisé par ce dernier pour qu'il soit adoubé a été “séché“ par ses collègues qui ont voté à l'unanimité pour Mohamed Abbou. Pour résumer les choses, cette fronde est au cœur des enjeux de la ministrabilité. Les meneurs en sont deux notables implantés chacun dans sa zone. Boudlal Bouhdoud, chef de file de la région Souss-Massa-Draâ qui compte 14 députés et l'actuel chef du groupe, figure de la région Boumalene (Taounate et Taza) qui a donné 6 députés RNI. Ces deux régions qui totalisent 20 sièges (soit presque la moitié du groupe parlementaire, 41 sièges selon les résultats officiels du 27 septembre) ne sont représentées par aucun ministre alors que quatre ministres RNI sur six sont issus de l'Oriental . Un clan mené par Ahmed Osman lui-même qui est natif de Oujda. L'origine de la grogne vient justement de ce non-respect des équilibres régionaux et par conséquent des équilibres à l'intérieur du Rassemblement. Les ambitions du parti s'arrêtent-elles dans la zone est du pays ? En dehors de Mustapha Mansouri (originaire de Nador) dont la reconduction au gouvernement n'est pas contestée grâce à la popularité de l'intéressé auprès des militants du parti, les autres n'ont pas trouvé grâce aux yeux des protestataires. “ Le problème c'est que les Mohamed Aoujar, Taïeb Ghafès et Najima Tay Tay n'ont rien fait pour l'oriental auquel ils ont tourné le dos depuis longtemps. Même Ahmed Osman a oublié sa ville natale“, explique un cadre RNI en colère. Native d'Oujda, Najima Tay Tay habite depuis quelques années à Agadir où elle est enseignante universitaire. Mais les députés du sud ne se retrouvent pas dans le nouveau secrétaire d'État à l'alphabétisation malgré ses multiples tentatives de se faire adopter. Propulsé comme par magie ministre de la Pêche,Taïeb Ghafès, battu lors des denières législatives dans son patelin, a fait carrière à Casablanca en tant que patron d'une école de formations aux métiers de la banque. Quant à Mohamed Aoujar, qui a conservé son fauteuil de ministre des Droits de l'Homme, il s'est installé à Rabat depuis des années. C'est le maintien de Najib Zerouali, redevenu ministre chargé de la modernisation des secteurs publics, au sein du gouvernement qui cristallise le plus de mécontentement. Candidat malheureux à la députation à Fès, M. Zerouali a réussi tout de même à sauvegarder sa place dans le nouvel exécutif. “ Trop, c'est trop, tonne un élu d'Agadir. “ Y'en a marre de servir de faire-valoir et de figurants sous la coupole“. Comme à son habitude, Ahmed Osman s'est muré dans le silence, se contentant d'expliquer autour de lui qu'il n'est pas responsable du choix de ses ministres. “ C'est Driss Jettou qui les a choisis“, se justifie-t-il. “ Qu'il est facile de se défausser sur les autres“, déclare un contestataire.