On a du mal à voir M. Jettou trouver une majorité stable et cohérente. Une majorité qui mette en marche un véritable programme d'action. Le ton grave. Les traits tirés. Les yeux rivés sur son téléviseur, les doigts tentent fébrilement de composer des numéros de téléphone sur un portable qui, selon lui, semble faire une grève de zèle. L'heure de la réalité a bel et bien sonné et c'est tout le microcosme politique qui est sonné.Les sondages d'opinion n'ont été d'aucun recours. Les résultats donnaient tout sauf un grand vainqueur qui se détache du lot. Le choix du Premier ministre échappe, une fois encore, au calcul des politiques. Notre bonhomme, tout chef de parti qu'il est, tout multimillionnaire qu'il est, n'a pas digéré sa défaite cuisante aux législatives et voit mal comment la chance peut lui sourire et lui permettre de faire son entrée au gouvernement que dirigera Driss Jettou. Il n'est pas le seul dans ce cas de figure depuis le 27 septembre, et précisément depuis le 9 octobre quand le Souverain a nommé un nouveau Premier ministre. En fait, dès la proclamation des résultats officiels par M. Jettou, alors ministre de l'Intérieur, les spéculations allaient bon train. Et surtout les alliances et les déclarations de bonnes intentions pour calmer les cris de guerre. On a vu comment l'USFP a tenu à ce qu'il tienne des réunions sanctionnées par des communiqués avec les partis proches ou tout simplement capables de pencher la balance en sa faveur. Ainsi, on a découvert comment le Parti Al Ahd a rejoint l'alliance socialiste, composée du PPS et du PSD. Le trio a signé une déclaration commune avec l'USFP. Le même USFP s'est empressé de s'attacher les services d'un Bouazza Ikken, chef de l'Union démocratique avec une dizaine de sièges. On a omis de relever que M. Ikken est traîné devant la justice par une femme, membre de la direction de l'UD et qui a vu lui échapper la tête de liste nationale. Amal Ziadi a décidé de porter l'affaire devant les tribunaux, réclamant réparation. Une première pour une première participation aux élections de l'UD issu de la mouvance populaire. On a omis aussi de voir plus clair quand les deux principales formations de cette même mouvance populaire allaient fausser le jeu en tentant de s'allier une fois avec l'Istiqlal, une autre avec l'USFP. Et l'on parle d'une promesse faite des deux clans à Mohand Laenser pour le porter à la présidence du Parlement… L'alliance pas très naturelle entre l'Istiqlal et le PJD a éveillé les soupçons. Des déclarations contradictoires au sujet de la chariâ en passant par Miloud Chaâbi, élu istiqlalien qui appelle à l'interdiction de la vente d'alcool, tout y est passé pendant cette semaine du 30 septembre au 9 octobre. On n'oubliera jamais ce communiqué écrit à la main –et peut-être même à la hâte - signé par Abderrahmane Youssoufi et Ahmed Osman, dirigeant du RNI. Une alliance pour la continuité. Mais la nomination de Driss Jettou a posé la question lancinante suivante : continuer quoi ? Chaque formation se dit plus ou moins prête à prendre part au gouvernement. Les mouvements populaires, le RNI, le PND/UC, le PJD jusqu'à hier en réunion pour trancher. Restent l'Istiqlal et l'USFP. La photo de Youssoufi et El Fassi vendredi lors de l'ouverture de la session du Parlement résume-t-elle une réconcilation entre deux gagnants qui, par leur rivalité, ont tout perdu ou presque? Ou s'agit-il tout simplement d'une photo de circonstance ? En tout cas, dans une conjoncture pareille, avec des tiraillements et attaques fusant de partout, on a du mal à voir M. Jettou trouver une majorité stable et cohérente. Une majorité qui mette en marche un programme d'action tel que voulu par la situation actuelle du pays. Autrement, on sera amené à revivre au rythme des technocrates soutenus artificiellement par des politiques. La majorité restera ainsi introuvable.