L'universitaire et acteur politique Benyounès Merzougui réagit à chaud sur la nomination de Driss Jettou au poste de Premier ministre. Des interrogations qui interpellent tout le monde. «A mon avis, il y a trois manières d'appréhender la question de la nomination de Driss Jettou au poste de Premier ministre. Premièrement, les élections n'ont pas dégagé une majorité forte d'une formation partisane donnée. Deuxièmement, les premières consultations entre les partis politiques n'ont pas donné un pôle majoritaire. Et à la lumière des résultats des élections, il est devenu impossible de constituer un gouvernement par moins de six formations politiques. Sur ce, l'on peut s'interroger sur ce qui s'est passé réellement, et c'est là le troisième volet de mon intervention. Car il y a deux approches au niveau de l'analyse. La première que l'on peut taxer d'artificielle, estime qu'en l'absence d'une majorité, SM le roi a eu recours à l'article 24 de la Constitution pour désigner le Premier ministre. La Constitution n'exige nullement de choisir ce dernier parmi la majorité ou un parti politique. La seconde approche, en revanche, tente de répondre à une kyrielle de questions dont essentiellement : qui constituera la majorité ? Les partis politiques doivent-ils se concerter au préalable pour constituer une majorité ou bien devrait-on affecter la tâche de la création d'une majorité gouvernementale au Premier ministre ? Si les choses vont se dérouler conformément à ce scénario, il faut alors attendre l'élection du président de la Chambre des représentants. Mais dans le cas échéant, nous avons un Premier ministre sans appartenance politique. Or, d'où viendra cette majorité qui va élire le président de la première chambre du Parlement et quelle sera sa couleur politique ? A cette difficulté supplémentaire s'ajoute le fait cette opération aurait pu se faire avec un premier ministre ayant une appartenance politique et les négociations pourraient commencer à la lumière d'une équation portant sur la présence d'un Premier ministre partisan et d'un président de la Chambre des représentants, également partisan. Maintenant, à qui incombe la responsabilité de l'état actuel du paysage politique? Bien entendu, les partis politiques assument leur part de responsabilité dans la mesure où ils n'ont accordé aucun intérêt aux alliances en amont, c'est-à-dire avant le dépôt des candidatures aux élections. Où sont donc passés la Koutla, le Wifaq et les autres courants politiques lors de la campagne électorale, et comment justifier l'absence du candidat commun ? Le second aspect de cette mauvaise gestion est relatif au déficit de la capacité de négociation chez les formations partisanes. Car qui aurait empêcher l'USFP ou l'Istiqlal de se rencontrer pour discuter et trouver un terrain d'entente qui pourrait servir les intérêts supérieurs du pays? Enfin, en guise de conclusion, il y a lieu de s'interroger sur les possibilités de réussite de la primature en ce qui concerne la constitution de son gouvernement. A cet effet, il est à rappeler que le Premier ministre se doit de présenter une déclaration et un programme gouvernementaux, or au nom de qui seront annoncés ces derniers, est-ce au nom du Premier ministre ou des partis qui participent à l'exécutif ? Plus encore, sur quelle base et programme devra-t-il négocier ? Quelles seront les garanties de l'adoption de son projet ? Que faire si la majorité ne l'adopte pas ? Devrait-on alors changer de premier ministre ou dissoudre le Parlement ?»