Organisé à Rabat le 8 et 9 octobre, le séminaire « Les relations Maroc-Union européenne : une nouvelle vision » a été l'occasion de dresser le bilan en demi-teinte du processus de Barcelone et d'entrevoir une nouvelle vision de cette coopération. «Les relations entre le Maroc et l'Union européenne sont en deça des attentes, le processus de partenariat n'est pas encore effectif et son rythme de concrétisation reste modeste». C'est ainsi que s'est exprimé Abdelkrim Bennani, président de l'Association Ribat Al Fath pour le développement durable. Le ton est amer, le présent est loin d'être glorieux, la vision actuelle des choses manque de visibilité. D'où le besoin d'en établir une autre, nouvelle et plus ambitieuse. Organisée, le 8 et 9 octobre derniers à Rabat par l'association Ribat Al-Fath, en collaboration avec la fondation allemande Konrad Adenauer, la rencontre scientifique «les relations Maroc-Union Européenne : une nouvelle vision» se voulait dans ce sens comme un cadre libre, large et prometteur de débat. Marquant la cérémonie d'ouverture de cette manifestation, les propos de Hassan Aourid, porte-parole officiel du palais royal sont allés dans ce sens. Pour lui, cette rencontre constitue «une réflexion qui n'est pas appelée à être confinée dans les contours académiques d'un séminaire entre spécialistes, sans lendemain...», son intérêt étant de faire un état des lieux sans complaisance en vue d'un dialogue franc et constructif entre les deux rives où toutes les palettes, politiques, économiques et culturelles doivent converger. La base des différentes interventions qui ont eu lieu lors de cette rencontre, la septième du genre qu'organise l'association, n'était autre que le bilan en demi-teinte du processus de Barcelone de 1995 qui visait le rapprochement de l'Europe de ses voisins du Sud de la Méditerranée et la convergence des économies. Mettre cet accord de partenariat dans son contexte historique explique le pourquoi de son échec. Survenu au lendemain de la chute du mur de Berlin, symbolisant l'implosion du block soviétique, et de la Guerre du Golfe, où les Etats-Unis d'Amérique se sont mus en justiciers, autrement dit en maîtres, de la planète, le processus de Barcelone était une réaction urgente, voire hâtive, aux grandes questions que se posait l'Europe à l'époque, à commencer par sa place dans le monde. Le résultat en a été un ensemble de principes, sans véritable stratégie d'application. Le processus de Barcelone n'était donc pas fait pour durer. En sept ans d'existence, il n'a abouti qu'à peu ou rien. Entre temps, plus d'une donne a changé sur l'échiquier européen. Il s'agit surtout de l'émergence des pays de l'Est qui, même récemment convertis au libéralisme, disposaient de tous les atouts pour séduire l'U.E. Une main-d'œuvre qualifiée, une infrastructure de taille, des valeurs comme le travail, l'éducation…ont fait que la transition s'est effectuée plus rapidement, l'intégration aussi bien aux valeurs qu'à l'économie européennes s'est opérée plus facilement. Selon Driss Khrouz, professeur universitaire : «ce sont ces raisons-là qui ont crée un sentiment chez les pays du Maghreb notamment le Maroc, d'être dépassés. Nous sommes toujours en transition et toutes les conditions favorables à une véritable restructuration, à même de faire du Maroc un pays éligible à une coopération optimale avec l'Union européenne ne sont pas encore satisfaites». C'est pour cela que, comme l'a souligné l'ambassadeur d'Allemagne au Maroc, Roland Mauch, «nul ne peut ignorer que la zone de libre-échange constitue pour le Maroc le plus grand défi lors des années à venir et requiert à ce titre des efforts considérables pour mettre à niveau l'Etat et l'économie». A moins d'une intensification des réformes politiques et institutionnelles et d'une accélération de la mise à niveau de l'entreprise marocaine, l'échéance 2010, qui donnera naissance à la zone de libre échange entre les l'U.E et le Maroc et où la compétitivité sera le maître-mot, devrait sonner le glas de nombre d'entreprises marocaines. Une raison qui a poussé un responsable de la CGEM, présent à la table ronde qui a suivi l'ouverture à crier à l'aide européenne. Tout en dressant la situation économique dans le monde du post-11 septembre, et ne cherchant nullement à cacher son eurocentrisme marqué par l'apologie de l'Union, l'intérêt accordé à l'Est et l'obsession sécuritaire qui prévaut actuellement, le démocrate chrétien Hans-Gert Pottering, président du Groupe du Parti Populaire au Parlement Européen reste optimiste quand à l'avenir des relations entre le Maroc et l'U.E. « Les changements que connaît le Maroc, la façon exemplaire dont les dernières élections se sont déroulées sont des signes encourageants. Mais ce qui est désolant, c'est l'effritement que subit le Maghreb. J'ai été étonné de constater que les échanges commerciaux entre le Maroc et les autres pays de l'Afrique du Nord ne dépassent pas les 5%. Il y a fort à faire dans ce sens», a-t-il expliqué. Venant d'un député européen qui représente un groupe comptant 233 des 626 sièges parlementaires au sein de l'U.E, ces propos ont soulevé un point essentiel : le projet de l'UMA. Pour lui, un dialogue doit être établi d'urgence entre les pays du Maghreb. Mais avant, a souligné le Pr. Khrouz, il faut que le Maroc puisse se prendre en charge en optimisant le rendement de ses propres moyens. Et l'universitaire d'ajouter que tout doit commencer par pallier le déficit de vision de l'élite quand aux moyens de se préparer à l'échéance 2010. Instructif.